Tragédie de Jean Racine, mise en scène de Bernard Belin, avec Sonia El Houmani, Christine Narovitch, Thomas de la Taille, Michel Pilorgé, Jean-Marie Bellemain, Morgane Walther, Clémentine Stepanoff (en alternance avec Maryvonne Coutrot) et Sophie Fontaine (en alternance avec Margaux Laplace).
En montant "Phèdre", Bernard Belin a eu la bonne idée de ne pas proposer sa "relecture" de la plus célèbre et de la plus jouée des tragédies de Jean Racine, mais de chercher à la rendre la plus claire possible et de donner l’occasion à ses comédiens de dire les 1 654 alexandrins qui la composent dans les meilleures conditions scéniques possibles.
C’est donc sur une scène quasi nue que se déroulent les chassés-croisés entre Phèdre, Thésée et Hyppolite.
Croyant le héros grec mort, sa femme Phèdre avoue son amour pour Hyppolite, le fils que le vainqueur du Minotaure avait eu avec sa précédente épouse, Antiope. Mais celui-ci en aime une autre, Aricie, princesse athénienne issue d’une famille ennemie de celle de Thésée. Le retour imprévu de ce dernier va être l’élément déclencheur de l’épidémie de morts volontaires qui frappe le cinquième acte.
Grâce à une interprétation homogène dans laquelle chaque acteur se tire très proprement des pièges du vers racinien, qui ne tolère aucune faiblesse, la version de Bernard Belin se suit sans difficulté. Bien rythmée, elle intègre les morceaux de bravoure attendus entre les trois principaux protagonistes sans les surligner.
Mention à Sonia El Houmani, Phèdre qui met le sentiment au-dessus de la raison d’état, à Thomas de La Taille, Hyppolite juvénile et enflammé, ainsi qu’à Jean-Marie Bellemain, Thésée au courroux stoïque, revenu des Enfers des Dieux pour l’enfer des hommes.
On soulignera aussi l’importance des costumes de Bruno Marchini. Si Thésée est en guerrier grec classique, les autres personnages sont habillés dans des vêtements "Renaissance", superbe robe écarlate pour Phèdre, tenue noire "Médicis" pour Hippolyte. La tragédie y gagne en mesure, évite la grandiloquence antique sans y perdre sa force d’évocation.
Cette version de "Phèdre" est un beau livre d’images et d’émotions qui met Racine à la portée de tous les spectateurs. |