Spectacle de théâtre d'objets conçu par Olivier Benoit, Miquel Gallardo et Jordi Bertran d'après la pièce de Molière et interprétée par Olivier Benoit et Jean-Baptiste Fontanarosa.
Après son époustouflante déclinaison des "Fables" de La Fontaine revues à l'aune du consumérisme et de l'enjeu écologique, la Compagnie Tabola Rassa réinvestit le Théâtre de Belleville avec un autre de ses spectacles, qui emprunte également à un auteur classique, en transposant une partition théâtrale dans le registre du théâtre d'objets.
Conçue par Olivier Benoit, Miquel Gallardo et Jordi Bertran sur une idée originale de ce dernier, cette version inattendue de "L'avare" de Molière présentée toujours sous l'angle d'un théâtre citoyen et, en l'espèce, celui de la gestion des ressources naturelles, est une véritable source de fraîcheur et un puits d'inventivité créatrice qui étanchera la soif des spectateurs curieux et passionnés.
Surprenante, captivante et roborative, elle démontre la vitalité du théâtre d'objets qui exige autant de rigueur et de talent que le théâtre et constitue un art à part entière.
Sur scène, seulement deux officiants qui mouillent leur chemise pour camper tout le petit monde moliéresque en l'occurrence soumis au régime du seul pain sec par un tyran domestique victime d'une passion inextinguible pour l'accumulation et qui enterre son trésor en liquide, dont il se délecte au compte-gouttes, sous le dallage de sa maison.
Et tout va aller à vau-l'eau quand le desséché Harpagon s'attaque à ses enfants prêts à ne vivre que d'amour en se mettant en tête de couler des jours heureux avec la jeune fille dont est épris son fils et de contraindre sa fille à un mariage forcé avec un riche barbon dont le bien coule à flots.
Les deux compères des "Fables", Olivier Benoit et Jean-Baptiste Fontanarosa, se retrouvent dans leur élément comme des poissons dans l'eau et délivrent un spectacle sans bavure qui met une imagination débridée au service de l'esprit et de la situation de l'oeuvre originale.
Ils réalisent un travail d'une qualité et d'une fluidité exemplaires qui semble couler de source tant tout semble aisé voire magique, maîtrisant la gestuelle capable de se substituer à l'expressivité du visage humain avec cette puissance d'incarnation dans l'objet.
Un objet qui semble animé d'une vie propre, et même d'humanité, grâce au talent et à la précision sensible de ces comédiens-manipulateurs.
Mais tout cela donne l'eau à la bouche sans que soient nommée cette denrée si convoitée ni précisés les objets sujets de la comédie. Inutile d'autant qu'ont été distillés bien des indices et qu'il faut toujours ménager une goutte de suspense pour découvrir par soi-même sur place. |