Spectacle conçu et mis en scène par Nicolas Bigards d'après le roman éponyme de James Ellroy, avec Yann Berlier, Thomas Blanchard, Clément Bresson, Yannick Choirat, Béatrice Demi Mondaine, Dimi Dero, Noémie Dujardin, Theo Hakola, Jan Hammenecker, Judith Henry, Mathieu Saccuci, Gabriel Tamalet et Pascal Ternisien.
Porter sur scène un roman est une véritable gageure, au demeurant rarement convaincante, une entreprise encore plus hardie pour un roman noir, et, qui plus est, audacieuse quand il s'agit de "American Tabloïd" de James Ellroy.
Et cependant Nicolas Bigards l'a fait. Avec intelligence et le talent d'une distribution émérite.
Cet opus littéraire est le premier volet de la trilogie "Underworld USA" dans laquelle, s'emparant de l'histoire de l'Amérique, le romancier américain, dresse une impitoyable et sanglante fresque historico-fictionnelle qui opère une démythification radicale des happy days des décennies 1950-1960.
Cette entreprise de tabula rasa pour donner une deuxième chance à une société foncièrement corrompue repose sur les destins croisés de trois personnages fictifs, archétypes du janusien personnage ellroyen, qui font office de fil d'Ariane pour démêler les arcanes du pouvoir.
Et ce à travers les inter-relations souterraines entre entre la Mafia, véritable cartel économique qui constitue un Etat dans l'Etat, la CIA qui lui est inféodée, le FBI dirigé par un deus ex machina qui se prend pour le justicier ultime et les prétendants à la présidence pour succéder à Einsehower dont le playboy JFK fer de lance du très ambivalent clan Kennedy dont le patriarche est le banquier de la Mafia et le fils Robert attorney général membre Comité McClellan, une commission "anti-mafia" chargée de la lutte contre le crime organisé.
La réussite du spectacle tient en premier lieu au discernement des adaptateurs, Stéphanie Cléau et Nicolas Bigards qui ont su conserver l'humour noir, le suspense lié aux revirements de situation et la percutance des dialogues de James Ellroy.
En second lieu, au fait d'avoir trouvé pour les épisodes violents irreprésentables sur scène des substituts filmiques et surtout musicaux crédibles en faisant appel à l'excellent musicien-compositeur Theo Hakola et à Béatrice, la charismatique chanteuse du groupe rock Demi Mondaine, qui posent l'atmosphère de ces milieux interlopes et restitue l'ambiance de l'époque.
Enfin, et non pour le moins, à une distribution judicieuse et à la qualité des interprètes notamment ceux des principaux protagonistes auxquels ils apportent une réelle densité psychologique.
Jan Hammenecker est épatant dans le rôle du mercenaire moderne sans état d'âme Pete Bondurant, homme de main du producteur milliardaire psychotique et junkie Howard Hughes (avec la composition époustouflante de Thomas Blanchard) qui déteste le clan Kennedy et soutient le candidat Nixon.
Pascal Ternisien est impérial dans le rôle du "maître des marionnettes" J. Edgar Hoover qui instrumentalise tout et tous dont ses ouailles vérolées que sont l'agent spécial Kemper Boyd chargé d'infiltrer le clan Kennedy (Yannick Choirat) et l'agent Ward Littell (Clément Bisson) chargé d’enquêter sur les agissements communistes. |