Récit écrit par William Pellier interprété par Xavier Béjà dans une mise en scène de Michel Cochet.
Avec "Le Tireur occidental", l'écrivain et dramaturge William Pellier a écrit une épouvantable fable tragique aux évidentes résonances contemporaines sur la thématique de l'altérité.
S'inspirant des délires pseudo-scientifiques nés de l'émergence d'une science nouvelle, l'anthropologie, qui ont servis de fondement au racisme dit "scientifique" du 19ème siècle colonialiste, il a élaboré un monologue d'autant plus hallucinant que soumis à une contrainte scripturale tenant à l'absence de verbes.
Il se présente comme le récit in situ d'un aspirant ethnologue qui veut compléter par une étude sur le terrain son mémoire de doctorant sur les races inférieures. A cette fin, la tête bien pleine des théories de l'époque qu'il fait siennes sans aucune distance critique, il se rend sur la muraille septentrionale, matérialisant la frontière avec l'Inoccident peuplé de sauvages.
Celle-ci est surveillée par un soldat émérite, multi-médaillé mais néanmoins réduit à un simple matricule, qui depuis un demi-siècle écarte toute vélléité intrusive en tirant les indigènes comme des lapins. Et quand il apercevra ses sujets d'observation, il ne sera pas déçu de son voyage.
Michel Cochet met en scène avec sagacité ce texte dense, illuminé et dérangeant qui est dispensé frontalement à l'adresse du public, à la fois pris à témoin et en otage, par un explorateur en costume ad hoc.
Perché sur une chaise géante modulable, qui sert également de lit et de poste d'observation, comme barricadé dans un espace réduit conçu par Cyril Bosc comme une cage entourée de totems primitifs et sous les lumières fantasmagoriques de Charly Thicot, le comédien aguerri Xavier Béja officie avec brio et efficacité.
Son métier lui permet de se jouer de ces contraintes tant textuelle que physique et son jeu au cordeau fait passer un texte qui bouscule et appelle à la vigilance face aux dérapages insidieux qui portent en germe une régression réactionnaire. |