Comédie dramatique de Anton Tchekhov, mise en scène Benjamin Porée, avec Lucas Bonnifait, Valentin Boraud, Anthony Boullonnois, Baptiste Chabauty, Arnaud Charrin, Guillaume Compiano, Charles d’Oiron, Emilien Diard-Detœuf, Sophie Dumont, Macha Dussart, Zoé Fauconnet, Joseph Fourez, Tristan Gonzalez, Elsa Granat, Aurélien Rondeau, Benjamin Porée et Mathieu Gervaise.
Première pièce d'Anton Tchekhov, écrite avant l'âge de vingt ans et jamais jouée de son vivant, "Platonov" est un peu le brouillon de l'oeuvre de l'auteur d'"Oncle Vania".
En suivant le parcours désespéré de Platonov, d'abord brillant, séducteur, catalyseur de toutes les vitalités, puis, peu à peu, destructeur et auto-destructeur, vacillant dans la noirceur et attiré par la mort dans un monde qu'il regarde s'effondrer, on retrouve l'essentiel des thèmes qui feront la gloire et le génie de Tchekhov.
Dans sa version littérale, Benjamin Porée a conservé les nombreux personnages qui entourent Platonov. Ce qui le contraint à privilégier la compréhension sur l'action et à faire du jeune homme le pivot par lequel se tissent toutes les relations.
Pour combler les petites faiblesses de la structure choisie par le jeune Tchekhov, où parfois les personnages se succèdent simplement les uns derrière les autres sur scène, Benjamin Porée a imaginé un grand espace extérieur où sont disséminées des tables et des chaises de jardin. Chacun peut alors aller, venir, intervenir, dans une grande fluidité.
Morceau de bravoure fort réussi, le second acte voit ces tablées servir à un grand repas. À la quinzaine de rôles répertoriés, s'ajoute une vingtaine de jeunes figurants participant à ces agapes où le destin de Platonov prend tournure.
En maîtrisant parfaitement cette atmosphère de fête sous tension où des vérités seront dites, des caractères se révèleront, Benjamin Porée tient bien le récit tchekhovien. Tout est en place pour aller vers plus d'intimité, plus de sentiments, plus de douleurs. Platonov devient un démon pour ceux qu'il trahit, une victime pour ceux qui comprennent ou qui lui pardonnent ses trahisons.
Établissant clairement le parallèle avec Hamlet, Benjamin Porée fait de Platonov le jouet des événements et de la folie. Tout est alors en place pour le drame final.
Dans sa traduction d'André Markowitz et Françoise Morvan, "Platonov" pourrait passer pour un texte contemporain. Le choix d'une distribution "juvénile" renforce sans la dénaturer la modernité de l'oeuvre de jeunesse de Tchékhov et rend crédible l'excès de personnages plus romantiques que réalistes.
Certes, on pourra trouver que Joseph Fourez est un Platonov fragile, pas assez flamboyant pour déclencher cette universelle admiration et séduire tant de femmes. Pourtant, quand le vent tourne, qu'il est seul face à ses tourments, Joseph Fourez sait hausser son jeu et susciter l'émotion.
Il est à l'unisson du travail de Benjamin Porée qui, en plus de quatre heures, parvient à dessiner une image assez claire de "Platonov" et en fait, presque contre l'avis de son auteur, une pièce qui se tient et qui mérite d'être jouée. |