Performance poétique d'après un texte de Ivana Sajko, mise en scène de Philippe Lanton, avec Evelyne Pelletier, Emilie Prévosteau, Bernard Bloch, Romain Duteil, Olivier Renouf et Thomas Caillou.
"Rose is a rose is a rose is a rose" est une pièce de l’écrivain croate Ivana Sajko. Elle reprend un vers de Gertrude Stein de son poème "Sacred Emily". Ce vers est aussi bien un écho qu’une valse.
Ainsi ce spectacle est-il un marathon de danse, une rencontre entre un homme et une femme, une semaine d’émeutes en banlieue. La vie n’est pas linéaire mais se diffracte en plusieurs événements simultanés, à l’image d’une société qui nous mitraille d’informations : slogans, photos, icônes culturelles.
Ivana Sajko rend le bruit de la vie en juxtaposant : "La ronde de nuit" de Rembrandt, la pensée sur l’amour du philosophe Alain Badiou, la mémoire à travers Suetone et Tacite, une brève histoire anodine entre un homme et une femme qui se quittent après une nuit, et les violences urbaines.
Mettre en scène ce spectacle est un travail complexe. Le metteur en scène Philippe Lanton réussit à éclairer ce texte et à éviter le piège d’ajouter du chaos au chaos.
Un groupe de figurants bénévoles représente les participants d’un marathon, ou les gens pris dans la panique d’une évacuation de la ville. Ils sont les anonymes, le peuple qui se fait manipuler.
Un grand cadre, qui tourne sur son axe, partage une scène recouverte de sable, chacun est embarqué dans un grand manège. Ce cadre est miroir, écran de télévision, et limite du tableau de peinture : une limite qui peut être traversée.
L’homme et la femme s’incarnent en deux corps chacun : les comédiens, Evelyne Pelletier et Bernard Bloch pour le couple de 50 ans et Emilie Prévosteau et Romain Dutheil, le couple de 20 ans. C’est la même histoire, les mêmes gestes, reproduits deux fois comme à l’infini des lieux et des temps.
Le travail chorégraphique de Olivier Renouf donne l’impulsion au manège, prend en charge la violence des désirs ou des rébellions. Philippe Lanton en se plaçant lui-même dans le public abolit toute idée de démarcation. De même que l’idée de hiérarchie.
Cette volonté d’accueillir des figurants parmi les volontaires du public désacralise l’exercice et crée une attention renouvelée pour les comédiens professionnels.
Laisser une part à l’inattendu, jouer dans le même mouvement des textes de registres aussi divers que l’explication philosophique, la romance ou le reportage produit un vertige dans lequel le public est nécessairement emporté et accueille une lecture pertinente du monde contemporain tissé de contradictions. |