Deux coups de semonce en ce début d'année : l'un très attendu, l'autre comme quelque chose d'inespéré.

Gipi est dans la première catégorie, auteur célébré régulièrement avec de multiples récompenses méritées tant son oeuvre (oui oui, le terme est juste) est d'une brillance aveuglante, Notes pour une histoire de guerre étant le pierre angulaire de sa production (Le local, Ma vie mal dessinée, Les Innocents, S., Ils ont retrouvé la voiture).

Vois comme ton ombre s'allonge est tout d'abord un sommet graphique : farandole de couleurs et de noir et blanc jusqu'à l'étourdissement. Gipi cotoie les Pratt, Mattoti et autre De Crecy pour renvoyer Guarnido aux Beaux Arts. Le fond rejoint la forme : puzzle savamment déconstruit, le lecteur devient donc acteur de cette histoire à tiroirs mêlant un arbre, une station service, un écrivain, la folie, la guerre et bien d'autres choses. Le tout est un must qui donne tout son sens au 9ème Art et qui ouvre des perspectives de lecture infinies.

La Proie par contre, je pense que personne ne l'attendait, surtout venant de la part de Glenat, bien que la collection Mille Feuilles soit très estimable et qu'elle n'a jamais si bien portée son nom pour cet anniversaire (5 ans), comme l'annonce le bandeau de présentation : "une histoire en dix mille cases réparties sur mille pages".

Folie ? Hérésie ? David De Thuin ? C'est qui ? Pour les petits malins malades de mickeys, Le Roi des Bourdons et La colère dans l'eau avaient déjà porté l'estocade. Ce fils incestueux de Macherot avait marqué les esprits avec des petits bouquins auto-édités et mis en évidence dans des librairies dignes de ce nom. Bon, à part le côté grosse cale de meuble ou botin déguisé, est-ce que ça vaut le coup de dépenser 49 euros me sussure David ? Définitivement pour la performance de tenir en haleine le lecteur sans ennui, sans remplissage, avec plusieurs personnages qui vont alimenter cette quête de "l'élu" (attention De Thuin n'est pas Tolkien, les monstres sont plutôt sympathiques, les combats en carton pâte), un graphisme à la portée de tous, généreux et poétique. Le projet était plus qu'ambitieux mais réussi haut la main et le tout devient une valeur sûre de cette production 2014.

Pour finir, et pour l'anecdote, David De Thuin m'avait fait parvenir il y a quelques années un fin de non recevoir pour une rencontre, va-t-il revoir ses plans avec cet "énorme" ovni ? Je vous tiens au courant bien sûr...