Comédie dramatique de Roland Schimmelpfennig, mise en scène de Julien Kosellek, avec Avec Stéphane Auvray-Nauroy, Laura Clauzel, Julien Kosellek, Viktoria Kozlova, Sophie Mourousi et Nicolas Grandi.
Depuis plusieurs décennies, et de manière exponentielle avec les "faits divers" malheureux de stress au travail et l'intégration ergonomique des risques psychosociaux, le monde du travail, haut lieu de relations humaines conflictuelles et de tension psychologique, inspire les auteurs dramatiques qui déclinent cette thématique selon tous les registres, du comique au tragique en passant par le documentaire militant.
En 2001, le dramaturge allemand Roland Schimmelpfennig se confronte à cette thématique dans "Push Up" qu'il décline de manière singulière. En effet, certes il situe l'intrigue - l'obtention d'un poste directorial représentatif de la promotion convoitée - dans une multinationale exacerbant les rivalités professionnelles et le "dynamisme" d'un leadership en état permanent de compétition, pour lequel il use de la métaphore du ring de boxe avec la transposition théâtrale en huis-clos féroces,
Mais, il adopte un autre point de vue que celui de la seule immersion dans l'univers impitoyable du monde de l'entreprise, parfois difficile, laborieuse et irréaliste quand l'auteur n'en a pas une connaissance directe et personnelle.
En effet, il corrèle la dimension psychologique de la sphère professionnelle avec celle de la vie privée pour disséquer la dichotomie psychique à laquelle est soumise l'individu par ailleurs révélatrice d'une ambivalence existentielle : le carriérisme constitue-t-il un mécanisme de substitution à la frustration générée par une vie personnelle inexistante ou l'énergie déployée pour satisfaire une légitime ambition professionnelle entraîne-t-elle une inéluctable dégradation de la sphère intime ?
Roland Schimmelpfennig laisse ouvert le champ des possibles à travers trois cas de figure sur la soif de pouvoir et la détresse psychologique, certes un peu didactiques et réducteurs mais réflexifs, dans une partition percutante et, en la forme, représentative de du théâtre post-dramatique avec une écriture cinétique faite de ruptures textuelles induisant des décrochages spatio-temporels et composite au plan fictionnel en tissant monologue, scène dialoguée et flux de pensée.
Dans une scénographie minimaliste pour brosser un lieu par essence et par volonté de l'auteur indéterminé, un écran en fond de scène et des espaces scéniques constitués par des praticables, la mise en scène de Julien Koselleck est pertinente et efficace.
Pertinente parce qu'elle instaure une progression dans l'intensité dramatique par la voie du registre dramatique, de la tragi-comédie burlesque de la rivalité féminine au pathétique qui conduit à la tragédie. Efficace par le recours à la vidéo, support devenu quasiment incontournable, en projection ou en direct dont il use de manière judicieuse.
Souvent sous l'oeil de la caméra, cette caméra symbole de la société de contrôle post-moderne mais aussi du système de surveillance permanente interne des grandes entreprises, les officiants, à qui est imposé d'être comédien et acteur, réussissent l'exercice de l'alternance à vue du jeu théâtral et du gros plan.
Encadré par deux séquences vidéo avec les interventions de deux employés-gardiens s'exprimant dans une salle de surveillance aux murs tapissés d'écrans, la confrontation en miroir de deux femmes qui ont accédé à des postes importants (Laura Clauzel et Sophie Mourousi), la confrontation ambivalente entre deux collègues pratiquant l'amour au bureau (Julien Kosellek et Viktoria Kozlova) et la confrontation du senior soumis à la dictature du jeunisme et au renouvellement des générations face à celui qu'il a formé (Stéphane Auvray-Nauroy et Nicolas Grandi) sont parfaitement menées. |