Comédie dramatique de Federico García Lorca, mise en scène de Carole Lorang, avec Sylvie Jobert, Bach-Lan Lê-Bà Thi, Rita Reis, Jérôme Varanfrain, Anne Lévy, Nina Ros, Véronique Nosbaum et Renelde Pierlot et les musiciens Christoph Reiserer et Franz Leander Klee.
Écrite en 1936, et jamais jouée de son vivant, "La Maison de Bernarda Alba" est sans doute la pièce de Federico Garcia Lorca la plus connue.
Quand elle débute, Bernarda vient de perdre son mari, là voilà seule dans son domaine en compagnie de ses filles toutes à marier, de sa mère sénile, de ses domestiques.
Ce qui pourrait être une communauté soudée par le malheur se révèle peu à peu un petit monde fermé, étouffant sous la férule d’une mère étroite d’esprit, un petit monde mesquin, lézardé par des désirs inassouvis tous dirigés vers le même objet, Pépé, fiancé de l’aîné.
Huis clos exclusivement féminin, "La Maison de Bernarda Alba" peut être lue comme une description de l’Espagne en passe de rentrer dans la Guerre Civile. On y voit la tradition se heurter à la modernité et l’amour au devoir. On y voit la liberté se payer au prix de la mort.
Dans l’adaptation de Mani Muller et la mise en scène de Carole Lorang ont été gommés les traits "hispaniques" de la pièce de Lorca. Alors que d’ordinaire résonnent des guitares espagnoles aux échos "flamenco", que les mantilles et les éventails voisinent avec les robes gitanes, Carole Lorang a pris le parti de ne pas jouer la carte folklorique.
La musique originale de Franz Leander Klee et Florian Appel n’est donc pas là pour surligner l’atmosphère d’éléments aux couleurs attendus, mais pour aller note à note vers le drame final.
On retrouvera dans les costumes la cohérence de ces choix : Peggy Wurth, par ailleurs responsable d’un décor unique très soigné, a conçu des tenues très simples, type blouses, dans des couleurs chaudes affirmées mais pas criardes, dont les variations font sens.
Dans son interprétation de Lorca, Carole Lorang a choisi de ne pas céder aux sirènes du symbolique et s’en tient à une lecture littérale du texte. C’est sans doute pour cela que le personnage de l’intendante de la maison, superbement interprétée par Anne Lévy, est mis en avant au détriment de Bernarda. Plus qu’une domestique, La Foncia est celle qui tient cette communauté, qui la maintient tant qu’elle peut contre tous les périls qui la guettent.
De même, Carole Lorang, quand elle se permet de faire jouer à un homme (Jérôme Varanfrain) le rôle d’Angustias, ce n’est pas pour introduire une once de folie baroque, ou pour faire référence à l’homosexualité de Lorca, mais pour instaurer un contraste physique avec sa jolie sœur qui va s’enfuir avec Pépé.
On louera l’effort de Carole Lorang pour éclairer les zones d’ombre de la pièce de Federico Garcia Lorca, pour lui donner une logique qui la rend audible aujourd’hui et produit un spectacle de qualité où s’il y a bien une interprétation personnelle du metteur en scène, celle-ci ne tient pas de lubies mais d’une analyse plausible et crédible.
Ceux pour qui le théâtre de Lorca fait toujours sens ne pourront pas manquer ce travail passionnant. |