Comédie dramatique d'après des dialogues de Jacques Prévert, mise en scène de Philippe Person, avec Yannis Bougerad, Florence Le Corre-Person, Sylvie Van Cleven et Philippe Person.
Le binôme Philippe Honoré, pour la dramaturgie, et Philippe Person, pour la mise en scène, affectionnent l'exercice, et le challenge, de la transposition théâtrale.
Après la littérature avec "Les Maupassant(es)", morceaux choisis de l'oeuvre de Guy de Maupassant comportant des portraits de femmes, ils empruntent au cinéma et, fort naturellement, à un film qui, sur toile de fond du célèbre Boulevard du crime, rend hommage au théâtre en évoquant l'envers du décor du monde des "théatreux".
En effet, ils proposent une partition conçue, à nouveau autour de la figure féminine, celle de Garance, personnage central de l'emblématique film "Les Enfants du Paradis" réalisé dans les années 1940 par Marcel Carné sur un scénario et des dialogues devenus cultes de Jacques Prévert.
Bien évidemment, cette transposition contextualisée en format court, à peine plus d'une heure, privilégiant les scènes articulées autour de thématiques amoureuses, l'amour et la jalousie, et imbriquant dilemme cornélien et mélodrame, qui ne vise ni à la reconstitution ni à la re-création, ne doit pas être appréciée à l'aune de la comparaison avec le film.
Et ce nonobstant le fait que soient respectées tant la trame dramaturgique que la chronologie originales, et même, avec l'insertion d'un intermède constitué de plusieurs versions d'anthologie de la chanson "Les feuilles mortes" écrite par Jacques Prévert sur une musique de Joseph Kosma, sa structure en deux époques.
Quelques malles de saltimbanques suffisent à évoquer le décor des coulisses du Théâtre des Funambules qui sert de toile de fond à cette histoire intemporelle d'amours contrariés et les tableaux évoquant les désordres amoureux s'enchaînent à la manière d'une ronde schnitzlerienne et sont mis en scène avec sagacité et ingéniosité par Philippe Person.
Sur scène, quatre comédiens se répartissent les rôles de principaux protagonistes et, sans imiter les codes de jeu, nécessairement datés, de leurs illustres aînés immortalisés sur pellicule, composent avec naturel des personnages contemporains.
Sylvie Van Cleven passe avec aisance du directeur de théâtre revêche et de l'obséquieux protecteur à l'amoureuse désespérée. Philippe Person campe avec panache Frédérick Lemaître, le cabotin hâbleur et narcissique et Yannis Bougeard pratique l'art consommé de la métamorphose en endossant le romantisme lunaire de Lacenaire, criminel par vocation, et l'amour solaire de Baptiste.
Quant à Florence Le Corre-Person, avec sa voix mélodieuse, son physique de femme-enfant et son jeu délicat, elle fait de Garance une bienvenue héroïne rohmerienne. |