Spectacle musical conçu par Serge et Aurélie Barbuscia à partir de textes et chansons de Bertolt Brecht, mise en scène de Serge Barbuscia, avec Aïni Iften et Serge Barbuscia accompagnés au bandonéon par Yvonne Hahn.
C'est d'abord Serge Barbuscia qu'on entend. Présence imposante et voix caverneuse. De dos dans un halo de lumière, il dit les mots de Bertold Brecht.
Et tout de suite, on est capté par ce spectacle qui mêle à la façon d'un cabaret des textes parlés et d'autres chantés, le tout entrecoupé de repères historiques pour replacer l'oeuvre de Brecht dans son contexte.
Nous sommes dans les années 30 et l'Allemagne connaît la montée du nazisme et l'arrivée d'Hitler au pouvoir. Brecht, au sommet de sa gloire, devra alors fuir. De ces quinze années d'exil, il reste des textes, poèmes, chansons qu'Aurélie Barbuscia a fort bien adaptés pour nourrir ce "Chants d'exil".
Serge Barbuscia a ajouté un autre personnage : le bandonéon. Et le résultat est concluant. Yvonne Hahn, virtuose inspirée nous fait voyager de son instrument née en Allemagne dont les notes charrient la mélancolie et fait revivre l'âme des exilés et des oppressés.
La mise en scène de Serge Barbuscia utilise au mieux l'espace, joue des perspectives que les trois excellents artistes investissent pour interpréter de façon tantôt grave, tantôt ludique et légère les mots doux-amers de Bertold Brecht.
Le plateau nu, que seul meuble un praticable sur lequel est installée la musicienne, dont les lattes de bois comme une caisse laissent percer de la lumière impressionne de son obscurité. Et en arrière-plan, une rangée de praticables crée une traverse auxquels les splendides éclairages de Sébastien Lebert donnent des effets de relief comme ils découpent avec talent les silhouettes de noir vêtues au premier plan.
Aîni Iften à la gouaille charmante et qui fait entendre une belle palette vocale du grave à l'aigu forme un beau duo avec Serge Barbuscia. Les deux complices, espiègles et énergiques jouent en chantent aux quatre coins de la scène.
Les judicieux apports vidéo complètent la belle tenue de ce spectacle qui rend hommage avec une grande dignité à Brecht et aux victimes de l’aveuglement d'une période noire comme l'ambiance ténébreuse qui baigne la scène. Et du dépouillement jaillit l'émotion.
Un spectacle sobre, puissant et plein de vitalité qui met admirablement en valeur les textes sur l'homme de Bertold Brecht. Ici, la dérision permet de percevoir avec peut-être encore plus d'acuité son message humaniste dont la résonance est plus que jamais nécessaire.
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