Réalisé par Tom Shoval. Israêl. Drame. 1h47 (Sortie 5 mars 2014). Avec David Cunio, Eitan Cunio, Gita Amely et Moshe Ivgy.
Deux frères enlèvent une jeune fille et espèrent en tirer une rançon. C'est la première fois qu'ils commettent un acte aussi grave et leur inexpérience entraîne chez eux un déchaînement inouï de violence et fait baigner le film dans un climat d'extrême tension.
Le scénario de "Youth" pourrait se décliner dans n'importe quel coin du monde et fournir prétexte à un thriller classique. Sauf qu'ici on est en Israël et le rapt crapuleux renvoie aux bouillonnantes contradictions d'une société où la violence n'est jamais loin du quotidien.
Dans "Youth", le conflit israélo-palestinien n'est pas central, mais il joue quand même un rôle déterminant puisque le fait déclenchant l'irréparable est la possession d'une arme de guerre par un des deux frères, Yaki, qui vient avec, lors de sa première permission après avoir été incorporé dans l'armée.
L'arme revêt dès lors une fonction ambiguë dans la société israélienne : rite de passage presque sexué qui va s'accompagner d'une cérémonie familiale, il désinhibe l'adolescent devenu soudain adulte et, comme par hasard, va l'aider à retourner ses pulsions de mort et de sexe contre une jeune fille.
Tom Shoval s'intéresse à la société civile israélienne proprement dite, celle qui ressemble comme deux gouttes d'eau à une société occidentale avancée et qui à son image, voit se creuser les inégalités entre les classes aisées et les classes populaires.
La famille de Yaki et de Shaul, son jeune frère, vit dans ce qui pourrait ressembler à une banlieue française. Les deux frères fusionnels ont connu l'échec scolaire, et Shaul, déchirant les tickets dans un cinéma, se promène avec des T-shirt à l'effigie d'Al Pacino en Tony Montana. Tous les deux sont d'abord nourris à la violence par les jeux vidéos et les films américains et vivent dans une famille en voie de délitement.
Dans leur vision primaire, la jeune fille que Shaul a ciblée est forcément riche et la rançon qu'ils en tireront leur permettra de conserver l'appartement familial menacé par la séparation prochaine de leurs parents.
Cette sociologie des israéliens qui vivotent dans une société inégalitaire, gangrénée par une pauvreté massive, ajoute du sens à ce suspense bien mené, navigant de l'appartement où l'on fête l'incorporation de Yaki et la cave où est retenue la jeune fille.
Encore une fois, on pourra y voir une métaphore d'Israël, dont les caves des HLM sont de véritables abri-anti atomiques, pouvant cacher plus facilement le sort peu enviable d'une jeune fille moderne, dont personne ne se préoccupe puisque ses parents, traditionnalistes, coupent leur téléphone pendant Shabbat.
"Youth" de Tom Shoval décrit ainsi l'extrême diversité des Israéliens, les tensions sociales et culturelles que cela implique, et dresse le portrait d'une société en crise, dans laquelle les solidarités familiales sont aussi mises à mal.
Reste le portrait de deux frères perdus mais d'une fraternité quasi gémellaire, interprétés avec une force étonnante par David Cunio et Eitan Cunio. Avec "Youth",
Tom Shoval a réussi un film dense et prenant qui dépasse largement l'enjeu d'un simple suspense. |