Monologue dramatique de Wajdi Mouawad dit par Grégori Baquet dans une mise en scène de Catherine Cohen.
Avec les cheveux rasés d'un bagnard, des airs de bébé Chéri-Bibi et une capuche prête à lui cacher cette tête de bagnard bébé Chéri-Bibi, Wahab quitte son siège composé de deux chaises accolées pour prendre la direction de la douleur, de la vraie, de l'intense, de l'absolue, celle qui fait crier après avoir trop parlé, celle qui explose dans le cœur comme un obus, celle qu'on ne connaît qu'une fois, une fois de trop : celle de la mort de sa mère.
C'est au parcours d'un cœur battant très fort dans le froid québécois et dans les mots de Wajdi Mouawad auquel convie Grégori Baquet.
Trajectoire âpre, sans escale autre que d'autres réminiscences de douleurs passées, ce long chemin n'a que des évidences de haine et d'amour à faire partager.
Pourtant annoncé par une vidéo aux couleurs d'un garçonnet blond comme le bonheur, "Un obus dans le coeur" n'a jamais envie de s'arrêter pour s'apaiser. Pas de paradoxes, pas de non-dits, mais un texte franc du collier sans doute épuisant à dire et à transmettre.
Avec tout l'art qu'on lui connaît, et qu'il a su déjà déployer en solitaire dans une adaptation théâtrale du "K" d'après Dino Buzzati, Grégori Baquet s'est transformé ici en presque ado encore enfant pour être au plus près de la plainte de Wahab.
Il la partage sans excès ni emphase, prêt à donner quelquefois au spectateur, mais s'en abuser, le temps d'un rire bref. Car pas question de pause ni de respiration : l'hôpital l'attend avec ce qu'il y attend. Alors Grégori se dépêche d'aller chercher sa dose de malheur tout au service de la transfiguration théâtrale.
Dans le cocon d'une mise en scène de Catherine Cohen d'autant plus précise qu'elle est intensément minimale, il emporte la conviction.
Même le spectateur le plus rétif à l'émotion crue conviendra qu'avec Grégori Baquet il a droit à une performance sans artifice, à mille lieues de tout trafic de sentiments et qui lui permet d'apprécier l'art des mots justes de Wajdi Mouawad. |