"All art is subject to political manipulation, except for that which speaks the language of this same manipulation." Laibach, 1982.
"We are fascists as much as Hitler was a painter." Laibach.
Balayons tout de suite d’un revers de la main dédaigneux toute polémique autour d’une pseudo ambiguïté : le groupe serait fasciste ? Nationaliste ? Une réflexion qui est aussi intelligente que penser que tous les rappeurs sont d’horribles gangsters, que la musique klezmer est uniquement jouée par des banquiers aux ongles longs, etc. La liste est longue. Non, si Laibach cultive un goût pour une allure militaire stricte et une imagerie proche de celle du IIIème Reich, il faut se rappeler l’artiste John Heartfield (Helmut Herzfeld) et le prendre comme une dénonciation du système et comme un majeur tendu bien haut contre toutes les formes d’aliénations et autres embrigadements politiques, religieux ou idéologiques. Laibach refuse tout dogme et interpelle comme pouvaient le faire Tristan Tzara, André Breton, Marcel Duchamp ou Theodore Fraenkel.
"We just try to remember that all art is an ideology, whether communist art, Nazi art, or dictated by the commercial art market. The provocation is in the essence of pop, including at Madonna. We just push the game a little further. We seek to generate debate, if art does not make sense". Avec un certain sens de l’humour aussi, oui tout n’est pas à prendre au premier degré, n’est-ce pas monsieur Manu "Ponchocradomêmepasrigolo" Chao, Laibach détourne la musique de sa nature, de son objet ou contexte initial : hymnes nationaux, hits populaires... la malaxe, l’explose pour mieux la reconstruire et pour la rendre subversive, ironique et/ou conceptuelle.
Il ne faut donc pas s’attendre qu’avec ce nouvel album Laibach ne change sa position d’un iota. Au contraire, le groupe avance encore plus loin dans sa démarche. Après avoir fondé leur propre structure supranationale sans frontière, l’État NSK (pour Neue Slowenische Kunst), les slovènes fondent leur propre organisation : Spectre (rien à voir – ou pas – avec James Bond) afin de tout simplement changer le monde chaque fois qu’il sera nécessaire et possible de le faire. Spectre est donc un disque éminemment politique, Laibach appelle à la révolution sociale et au partage équitable des biens, déclare la guerre à tous les dirigeants oppresseurs, "In the absence of war, we are questioning peace, in the absence of God, we all pray to police, oceans of people, oceans of souls" dans "Eurovision" ou encore "No history, no repent, no surrender, no descent and no commandments on the wall, no God, no rules to scare you all" dans "No History".
Musicalement, ce spectre est un véritable rouleau compresseur, un alliage Wagnérien de musique électro, métal et industrielle moins kitsch que par le passé (Cf. leurs débuts discographiques). Une musique violente, métronomique, au port de tête altier. C’est même ce qui frappe dès le départ, ce Spectre est facilement abordable et les chansons tiennent musicalement absolument la route, à tel point que les titres se révèlent rapidement addictifs. In-dis-pen-sable. |