Réalisé par Alexander Payne. Etats-Unis. Comédie dramatique. 1h55. (Sortie 2 avril 2014). Avec Bruce Dern, Will Forte, June Squibb, Bob Odenkirk et Stacey Keach.
Si l’on excepte Wes Anderson, Alexander Payne est désormais le seul cinéaste étasunien dont on a envie d’aller voir les films de confiance, sans en rien savoir et dont on a aussi envie de parler sans en rien dire pour que le lecteur y aille aussi de confiance sans en rien connaître.
Après "The Descendants", brillant exercice de style qui s’intéressait à l’Amérique profonde en racontant une histoire qui se passait à Hawaï, "Nebraska" est une nouvelle plongée dans des États des Etats-Unis pour en établir un état général…
"Nebraska", cela rappellera aux fans de Bruce Springsteen un de ses grands albums, un album composé de chansons acoustiques sur l’Amérique d’à côté, celle de ces braves gens qui n’appartiennent pas souvent au clan des vainqueurs… Et l’on pourrait dire que le film d’Alexander Payne est le correspondant cinématographique du disque de Springsteen.
Ici acoustique rime avec noir et blanc. Ici les perdants chantés par le Boss sont des habitants de petites villes et Bruce Dern, chemise à carreaux et jeans pas forcément bien coupés, est digne des prolétaires "cowboys" de Bruce Springsteen.
Alexander Payne imagine une histoire tellement simple qu’elle en devient épique comme un couplet d’un folk singer : taiseux, fermé, déjà ailleurs, Woody Grant est persuadé avoir gagné le gros lot d’un de ses tirages au sort qu’on reçoit dans sa boîte aux lettres qu’on habite en Ontario ou en Seine-Saint-Denis. Il décide de traverser quatre états pour aller le toucher. Inquiets, ses fils l’accompagnent dans ce voyage improbable.
Beau sujet prétexte qui va permettre à Bruce Dern de composer un personnage magnifique (qui lui donnera aussi un prix d’interprétation à Cannes), à Alexander Payne de filmer des endroits beaux comme des cartes postales et de créer des péripéties cocasses comme ces scènes opposant Dern à un autre vieux pépé flingueur du cinéma américain, Stacy Keach…
On défiera quiconque de trouver sans intérêt le moindre plan de cette Amérique de traverse filmée par Payne. Dans un noir et blanc sublime, il pose ses personnages dans des endroits à faire pâlir d’envie Norman Rockwell et Edward Hopper.
"Nebraska" d’Alexander Payne est un film qui sidère par sa beauté "intérieure". Sujet, caractères, images, tout y est composé avec une minutie qui n’a jamais l’air d’avoir l’air.
Alexander Payne est un grand cinéaste simple et évident. On l’aime et on va lui prouver : "Nebraska" est un film digne de ceux de John Ford. |