Comédie dramatique de Catherine Anne, mise en scène de Joël Pommerat, avec Carole Labouze, Franck Laisné, Laure Lefort, Rodolphe Martin et Garance Rivoal.
Pour "Une année sans été", la pièce de Catherine Anne publiée en 1987, Joël Pommerat expérimente de nouvelles choses : travailler sur un texte qui n’est pas de lui et accompagner de jeunes comédiens dont pour la plupart c’est le premier spectacle professionnel.
C’est une idée qu’il avait depuis longtemps et qu’il n’avait pas encore réussi à réaliser. Pour ce projet, il s’est entouré évidemment d’une bonne partie de la Compagnie Louis Brouillard comme pour toutes ses précédentes créations : outre les habituels virtuoses de l’ombre (musique, lumière, scénographie, costumes, son...), des comédiens piliers de la troupe (Saadia Bentaïeb, Marie Piemontese et Philippe Carbonneaux) ont joué vraiment le rôle d’"accompagnants" pour mettre ces jeunes dans les meilleures conditions possibles.
La pièce, œuvre de jeunesse de Catherine Anne, fortement inspirée des "Cahiers de Malte Laurids Brigge" de Reiner Maria Rilke, relate le passage à l’âge adulte de plusieurs personnages au début du siècle dernier. On y parle de création, de poésie, de choix, de toutes les aspirations qui s’entrechoquent dans la tête de jeunes gens.
Bien-sûr, le beau texte de Catherine Anne est ici conduit à rencontrer l’univers de Joël Pommerat : une mise en scène intime, précise qui met l’accent sur les rapports entre les personnages et les ambiances qui s’en dégagent.
Le metteur en scène change les angles de vue comme des champs-contrechamps de cinéma (à ce titre, on retrouve un peu de l’atmosphère de "La grande et fabuleuse histoire du commerce" où tout se passait dans une chambre comme c’est beaucoup le cas ici, avec l’utilisation également des clairs obscurs). La lumière d’Eric Soyer, une fois de plus est remarquable et donne au plateau des perspectives inédites.
Quant aux comédiens, recrutés pour la plupart lors d’un stage avec le metteur en scène, leur fraîcheur amène la vérité à ce récit qui soulève des thèmes essentiels propres à la jeunesse : l’émancipation, le voyage, la solitude, l’amitié, l’amour, les choix… Ils sont tous épatants.
Franck Laisné dont son rôle Gérard est la pierre angulaire de ce récit en premier lieu. Le jeune comédien formé à l’ESACT à Liège montre une présence dense et bouleversante avec une sincérité admirable. Il faut absolument retenir son nom.
Face à lui, une grande partie de la pièce, Laure Lefort est Louisette la fille de la logeuse, une jeune fille qui garde en elle les rêves détruits par sa mère. Dans l’amour du frère disparu qu’elle reporte sur Gérard, elle est touchante et montre déjà une belle maturité de jeu.
Garance Rivoal est une Anna plus que convaincante, inoubliable. On jurerait qu’il s’agit d’une comédienne allemande, il n’en est rien mais bien coachée, elle réussit à nous faire croire totalement à son personnage auquel elle confère une palette de sentiments extraordinaire. Bravo.
Enfin, dans des rôles plus en retrait, Rodolphe Martin (Auguste Dupré) d’une belle puissance de jeu et Carole Labouze (Mademoiselle Point) impeccable ne sont pas en reste.
Beau travail d’équipe qui consacre une nouvelle génération de comédiens dans la lignée de leurs ainés, l’orfèvre Pommerat effectue une transmission réussie. |