Performance radiophonique de Radio Femmes Fatales par Lenka Luptakova, Maya Boquet et Laurie Bellanca.
Le duo de comédiennes "riot girls" de Radio Femmes Fatales s'est constitué autour d'un projet théâtral singulier et novateur tant en la forme qu'au fond en s'engageant dans une voie exploratoire ancrée dans l'héritage du post-punk féminin et féministe.
Maya Boquet et Lenka Luptakova mènent une réflexion sur la dramaturgie textuelle et scénique en termes de limites et de frontières entre la réalité, la fiction et la représentation en l'éprouvant aux spécificités et contraintes du medium radiophonique qui est dépourvu de support visuel et élaborent des partitions qui se matérialisent sur scène par des performances radiophoniques en live.
Cette réflexion s'organise autour d'une thématique récurrente, celle de la figure féminine, et plus précisément de la femme fatale, mythe devenue archétype dans le cadre de la fiction noire, du polar "hard-boiled" des années 1930 aux films noirs hollywoodiens des deux décennies suivantes, dont elle constitue le pivot de l'intrigue, qu'elle en soit le témoin ou le suspect, la victime ou la coupable, pour décrypter cet objet de projection des désirs, des peurs et des fantasmes qui s'avère également un sujet transgressif qui peut conduire à la désintégration de la puissance masculine.
Deux opus sont déjà opérationnels : "Une étrange aventure de Jo Preston", enregistrement en direct et en public d'un polar radiophonique dans lequel la femme fatale se déclinait en trois avatars contemporains, et "Lenka Nehanebná", émission culturelle sur une biographie documentaire concernant une énigmatique et totalement méconnue actrice tchèque qui dérive hors contrôle.
Dans le cadre du Festival Brouillage dédié à la jeune création radiophonique organisé par La Loge et Radio Campus, Radio Femmes Fatales propose un nouveau radiodrame construit selon une modalité d'emboîtement fictionnel intitulé "Give me a fiction", à partir de la déconstruction de radiodrames vintage puisés dans le catalogue des microfictions "Five-minute mysteries" diffusées sur CBS.
Dans la salle, le public est donc placé dans la situation du spectateur assistant à l'enregistrement d'une émission de radio puisque la partition se déroule sur scène à partir d'un dispositif radiophonique standard, table, chaises, micros, qui en constitue le décor.
Et tout commence par la mort à l'antenne de la présentatrice. Difficile d'être plus disert sans déflorer un spectacle maelstromique à écouter, à voir et même, en l'espèce, à déguster.
Mêlant le bruitage à l'ancienne, un bruitage "spectaculaire" à voir par la dichotomie entre la nature et l'usage habituel d'un objet et le son qu'il produit, telle la ventouse du plombier pour imiter le bouchon de champagne qui saute, et le son technologique avec la collaboration de la créatrice sonore Laurie Bellanca, fondatrice du Collectif Kompost qui s'intéresse notamment aux pratiques performatives, Radio Femmes Fatales livre une fois encore une excellente et passionnante prestation. |