Biopic écrit par Emmanuel Robert-Espalieu, mise en scène de Gérard Gélas, avec Myriam Boyer, Edwige Lemoine, et Clément Rouault.
"Riviera" raconte les derniers jours de Fréhel, solitaire et alcoolique, dans un hôtel de passe près de Pigalle.
La grande chanteuse, "inoubliable et inoubliée" telle qu'elle sera surnommée lorsqu'elle remontera sur les planches en 1925 après un long voyage en Europe de l'Est et en Turquie, y égraine ses souvenirs, et en particulier son amour jamais éteint pour Maurice Chevalier.
Avant la première guerre mondiale, au faîte de sa gloire, elle vivra une passion torride pour un jeune premier, Maurice Chevalier, qui la quittera pour "la Miss", Mistinguett, autre figure incontournable du music-hall de ces temps anciens. Mais elle continue d'attendre que Maurice vienne la chercher et l'emmène en automobile sur la Riviera.
Le texte d'Emmanuel Robert-Espalieu est fait pour être dit et entendu. Les voix des acteurs, les extraits de chansons, les expressions de ce Paris-canaille où les rupins boivent du champagne avec les égorgeurs, et où la cocaïne et l'opium abondent, sont un régal de gourmet pour l'auditeur qu'est aussi le spectateur.
Par sa mise en scène et sa direction d'acteurs précise, Gérard Gélas trouve le point d'équilibre juste où le spectateur est ému sans pathos.
La composition de Myriam Boyer qui interprète une Fréhel qu'on sait, à la fin de son existence, usée par la drogue et l'alcool, est d'une finesse extrême mais surtout pleine d'humanité et de sincérité. Son personnage, la voix rauque, glisse sur scène avec grâce.
Myriam Boyer, à aucun moment, n'étouffe ses partenaires par une interprétation qui pourrait accaparer toute l'attention. Edwige Lemoine dans le rôle de Paulette, la voisine qui rêve de devenir chanteuse, et Clément Rouault, dans celui de Maurice Chevalier, costume clair et le canotier vissé sur la tête, font montre d'une belle aisance tant dans la gestuelle que même parfois dans la chanson.
Gérard Gélas compare Fréhel à Amy Winhouse, il n'a tort que sur un point. La déchéance d'Amy Winehouse était scrutée jour après jour. Fréhel, au début du phonographe et de la radio, est devenue l'"inoubliable inoubliée" parce qu'elle a incarné l'âme de Paris et la chanson réaliste et populaire avec son répertoire de filles des rues et d'amants qui s'en vont, d'alcool et de coco.
Myriam Boyer offre dans "Riviera" une interprétation aussi déchirante que les chansons de "la belle liane". A voir de toute urgence. |