Comédie de Molière, mise en scène de Brice Borg, avec Brice Borg, Justine Boschero, David Fournier, Arthur Lang, Jérémie Milsztein, Emmanuel Rehbinder, Jean Siffermann et Yvan Zampoleri.
La bien nommée Compagnie Les Pitres Rouges revisite investit avec une jubilation juvénile une des farces en un acte de Molière héritières du théâtre de foire qui, par leur dramaturgie sommaire, n'ont d'autre ambition que le plaisir d'acteur et le divertissement du spectateur.
Pour illustrer les avanies de l'institution matrimoniale considérée comme "la plus pesante des chaînes" et "une chose sur laquelle les hommes ordinairement se tournent le plus en ridicules", Molière prend le contrepied du sens courant du "mariage forcé" entendu traditionnellement comme le mariage imposé à la gent féminine en l'appliquant à un barbon qu'il place dans la situation de l'arroseur arrosé.
A la cinquantaine, Sganarelle entreprend de se marier pour assurer tant ses vieux jours que sa descendance et, bien évidemment, son choix s'est porté sur une jeunesse qui, à défaut de dot, n'est pas sans autres qualités sur lesquelles le libidineux vieillard "se monte le bourrichon".
Mais pour la donzelle, la "jeune Dorimène, si galante, et si bien parée" qui affiche déjà sa prédisposition à un futur état de "coquette", et de surcroît déjà pourvue d'un amant qui n'est sans doute pas que de coeur, le mariage est un moyen d'émancipation de la tutelle paternelle et l'âge avancé du promis une promesse de proche veuvage, ce dont elle ne fait pas mystère et annonce clairement les conditions de ce mariage de raison.
Ce qui va, pour le moins, déstabiliser et rafraîchir l'ardeur du futur qui craint plus que tout d'être coiffé de la parure du cervidé. Hélas, ni la consultation philosophique ni la chiromancie ne le rassurent et il sera contraint de s'exécuter soumis par la pointe de l'épée de son futur beau-frère à l'alternative "la noce ou la vie".
La mise en scène décomplexée et endiablée de Brice Borg, qui émaille la partition de gags et d'anachronismes, comme la réussie scène à la manière bergmanienne, versant parfois dans la potacherie, n'est toutefois pas iconoclaste dès lors qu'elle respecte l'esprit de la pièce originelle dont le pouvoir comique tient à la truculence, l'excès et au mélange des genres.
Dans un petit décor naïf qui évoque le théâtre de Guignol, ses acolytes, David Fournier (les philosophes), Arthur Lang (l'amant), Jérémie Milsztein (l'ami), Jean Siffermann (le frère) et Yvan Zampoleri (le père) autour de la délicieuse Justine Boschero (Dorimène) s'en donnent à coeur joie, parfois au bord du fou-rire, dans un sur-jeu de bon aloi.
En revanche, et là réside la bonne idée novatrice du spectacle, rien de tel pour le dindon de la farce, que campe parfaitement Emmanuel Rehbinder qui lui prête son avenant physique de séduisant trentenaire.
En contrepoint de la mascarade, il interprète sans outrance le ridicule de l'homme victime de son propre manque de discernement et de clairvoyance saisi par la sidération de la révélation, en avant-première, de la déconfiture qui l'attend et ne lui laisse aucune illusion. |