Elephant, le duo anglais probablement le plus excitant actuellement (ndlr : avec Coves mais on n'en reparlera prochainement), nous présente son premier album, Sky Swimming (Memphis Industries, sorti le 5 mai 2014). Autour d'une table du bar de l'hôtel Edgar à Paris, le groupe revient sur l'enregistrement de ce disque, sur sa rupture et son futur.
Pouvez-vous commencer par nous dire d’où vous venez et comment est venue l’idée de former le groupe Elephant ?
Amelia Rivas : Mon père est français, donc je suis née dans le sud de la France, mais j’ai grandi à Leeds. Toi [Christian], tu viens de la campagne ?
Christian Pinchbeck : Oui, je viens de la campagne Anglaise (sourire), mais ça fait dix ans que je vis à Londres maintenant.
Amelia Rivas : Cela fait dix ans maintenant ?
Christian Pinchbeck : Ouais. Disgusting, hein ?
Amelia Rivas : Moi ça fait cinq ans que je vis à Londres et on s’est rencontré il y a quatre ans. C’était à un concert d’un ami et on est retombé l’un sur l’autre à une fête le même soir.
Christian Pinchbeck : Et on était bien bourrés à ce stade !
Amelia Rivas : Très bourrés. Et c’est là qu’on s’est dit qu’on allait faire de la musique ensemble. J’avais des chansons que je souhaitais enregistrer et il m’a dit qu’il avait un studio d’enregistrement (chuchotant : ce qui était faux !).
Christian Pinchbeck : On venait tous les deux de groupes qui s’étaient décomposés. Le mien était pourri, j’étais le chanteur.
Amelia Rivas : Attends, ça y est, ça me revient. Je travaillais dans un bar, et il y jouait avec son groupe. Voilà la vraie première rencontre. C’est une exclu, on vient de s’en souvenir ! Je n’aimais pas trop ce qu’ils faisaient.
Christian Pinchbeck : Ca ne m’étonne pas !
Comment travaillez-vous ? Amelia, tu rajoutes tes textes aux compositions ?
Amelia Rivas : J’arrive avec mes chansons et on part de là. Je viens toujours avec un livre de textes.
Christian Pinchbeck : "Tu venAIS" ! Tu ne l’as pas ramené depuis deux ans ! (rires)
Amelia Rivas : Maintenant je fais ça sur place !
Christian Pinchbeck : C’est vrai, maintenant elle est comme un MC. Au début, on a commencé à travailler sur un vieux clavier Casio, avec lequel on a composé les quatre premiers titres. On n’avait pas beaucoup de temps pour monter les titres, on s’envoyait cela par mail. On a enregistré les voix sur un iPhone, avec le dictaphone. C’est vraiment de la bonne qualité ! (rires)
Amelia Rivas : Il m’envoyait les textes, je les chantais sur mon téléphone et je lui renvoyais par texto ! Après, on retravaillait ensemble le tout. C’était assez marrant comme process.
Votre premier single, "Ants", qui se trouve sur l’album, a-t-il été réenregistré ?
Christian Pinchbeck : Non, on ne l’a pas réenregistré, il a été remixé. Je me souviens de son enregistrement, par contre !
Amelia Rivas : Moi aussi, je m’en souviens parfaitement. Je me souviens en train d’écrire les textes.
Christian Pinchbeck : Tu écrivais les textes sur le sol ou sur mon lit, non ?
Amelia Rivas : En fait, à l’époque, je passais beaucoup de temps chez Christian et je revenais à mon appart, qui était à une demi-heure de chez lui. Et quand je revenais chez moi, il y avait des fourmis partout ! Sur le sol, sur ma table… Je restais au bord de ma fenêtre, les pieds en l’air pour ne pas en toucher une. C’est de là où j’ai écrit cette chanson, je suis revenue et… premier single !
Christian Pinchbeck : Je me souviens, moi, de la batterie ! Tu connais "Two Weeks" de Grizzly Bear ? La rythmique de la batterie y est géniale. J’essayais vraiment d’obtenir un son similaire mais bon ça n'a pas vraiment été le cas (rires). Cela a été une grande inspiration en tout cas.
Comment avez-vous rencontré Memphis Industries ?
Amelia Rivas : Je les connaissais de mon groupe précédent, quand j’avais quinze ans. Memphis Industries nous avait contactés à l’époque, on a fait des trucs ensemble, des tournées. Mon groupe a splitté mais je suis resté en contact avec eux. En fait, pas vraiment resté en contact, mais je leur ai envoyé par e-mail le premier enregistrement qu’on avait fait ensemble… et voilà ! Cela a l’air trop simple, non ?
Christian Pinchbeck : Oui, un peu chiante comme histoire ! (rires)
Pourquoi avoir mis quatre ans entre le premier single et la sortie de l’album ?
Christian Pinchbeck : On a écrit à peu près deux ou trois types différents d’albums. On a mis un an pour faire le premier, puis on a trouvé certains des titres pas terribles, alors on s’est remis à écrire d’autres titres, mais Memphis ne les aimait pas trop et nous a demandé de revenir vers les premiers. On s’est remis à l’écriture et c’est là que sont nés des titres comme "Skyscraper", "Shapeshifter". Cela a pris vraiment du temps de trouver un ensemble cohérent de chansons.
Amelia Rivas : Quatre ans.
Christian Pinchbeck : Ouais, disgusting... (rires) On vient seulement de finir le deuxième album, donc ça c’est fait !
Une tournée de prévu ?
Christian Pinchbeck : Je ne sais pas s'il y en a une de prévu.
Amelia Rivas : Moi je ne voudrais faire que ça !
Christian Pinchbeck : Ouais, on pourrait faire ça tout le temps et enregistrer nos chansons sur iPhone !
Comment avez-vous choisi Andy Dragazis (ndlr : fondateur du groupe Blue States) pour la production de l’album ?
Amelia Rivas : C’était par Memphis. On adore Andy, il est génial !
Christian Pinchbeck : Au début, on était en train de discuter avec Richard Formby de Wild Beasts et on a entendu le travail de Andy, on a passé du temps ensemble. Qu’est-ce qu’on avait rigolé, hein ?
Amelia Rivas : Mais il n’est pas très drôle (rires). C’est une personne qui a un humour très pince-sans-rire.
Christian Pinchbeck : C’est pour ça que c’était marrant !
Amelia Rivas : Il est très intelligent et il réfléchit aux choses de façon complètement originale. Je le vois vraiment comme une figure paternelle pour moi ! Il nous grondait (rires) et à une époque où on ne se parlait plus entre nous deux, Andy faisait un peu le médiateur.
Christian Pinchbeck : Je me souviens qu’à un moment, je ne t’avais pas revu depuis huit mois ! Et on devait passer trois jours ensemble pour enregistrer !
Amelia Rivas : C’était l’enfer ! Tu te souviens qu’à un moment, j’étais sur le point de pleurer ? (rires)
Vous avez enregistré l’album juste vous deux ?
Christian Pinchbeck : Pour les anciens titres, on refilait à Andy ce qu’on avait fait et il les remixait, faisait des arrangements pour les rendre classe. Les nouveaux titres qu’on a faits avec lui en studio, je lui amenais un sample et on regardait comment le travailler. La façon de travailler a évolué en quatre ans !
Pour le concert, vous allez être accompagnés de Tom.
Amelia Rivas : Oui, je le connais depuis le lycée, en terminale. Il est génial au clavier. Il nous apprend comment jouer !
Christian Pinchbeck : C’est horrible, je dois lui demander comment jouer nos morceaux ! (rires)
Amelia Rivas : C’est une vraie pieuvre, capable de jouer sur trois synthés en même temps.
Christian Pinchbeck : Il faudrait qu’on soit dix personnes en live pour jouer nos titres, alors il doit jouer trois parties, et Amelia six. Elle doit chanter en utilisant son sample pad...
Amelia Rivas : … tout en dansant !
Christian Pinchbeck : Et moi je dois jouer du piano, ça va c’est facile pour moi !
J’aimerais qu’on parle un peu de vos titres et de l’histoire derrière le titre, les paroles… On pourrait commencer avec "Assembly" ?
Amelia Rivas : C’était à l’époque où on sortait ensemble, avec Christian. Je réfléchissais beaucoup trop à tout, ce n’était pas une période très facile.
Christian Pinchbeck : La dernière phrase du texte résume bien ça : "Ne rumine pas sur les choses".
Parlez-nous de "Elusive Youth" ?
Amelia Rivas : C’est sur ma meilleure amie. On était au pub et à un moment, je devais y aller pour écrire et elle insistait pour qu’on reste et n’a accepté que je parte que si j’écrivais quelque chose sur elle. Ce que j’ai fait en rentrant.
Christian Pinchbeck : C’est une Ecossaise avec un tempérament très trempé et des cheveux roux intense !
Amelia Rivas : Et elle a adoré le titre. Maintenant, tous mes amis veulent que j’écrive une chanson sur eux !
Et "Come to Me" ?
Amelia : C’est une chanson joyeuse, à l’époque où je rencontrais mon nouveau copain. C’est assez difficile d’écrire quand on est heureux. Personnellement, j’ai trouvé ça très difficile.
Christian Pinchbeck : C’est pour ça que cela a pris si longtemps !
Amelia Rivas : Je l’ai considérée comme une berceuse, des pensées que j’avais avant de m’endormir.
Et pour finir "Shapeshifter" ?
Amelia Rivas : La moitié des textes viennent du tout premier titre que j’ai écrit.
Christian Pinchbeck : Tu as entendu le titre "Moscow" ? On a dû le poster sur Myspace quand on a commencé.
Amelia Rivas : J’avais 16 ans, je venais de rencontrer un garçon un peu plus âgé, le titre parle de la façon dont les choses peuvent arriver de façon assez soudaine.
Et pour le titre de l’album, Sky Swimming ?
Amelia Rivas : Je trouve que ça résume assez l’ensemble des titres.
Christian Pinchbeck : J’ai passé tellement d’heures à les écouter, essayer de les améliorer, avec mes écouteurs les yeux fermés. Tu te mets à flotter et à oublier tout le reste !
Un dernier mot sur votre nom de groupe, pour Elephant ?
Christian Pinchbeck : Aucune idée... (rires) ou pour l’expression "Elephant in the room" ?
Amelia Rivas : En gros, on avait fait ces trois titres en une nuit et on voulait tout de suite les mettre en ligne...
Christian Pinchbeck : … et on avait besoin d’un nom de groupe pour ça !
Amelia Rivas : Tu voulais utiliser le nom Tiger au début mais bon, je ne voulais pas à cause de Tiger Tiger (Club londonien).
Christian Pinchbeck : Moon Bear aurait été pas mal… Merde, on aurait dû l’appeler Moon Bear !
Amelia Rivas : Du coup, on s’est retrouvé avec ce nom horrible.
Christian Pinchbeck : Ce n’est pas si mal…
Amelia Rivas : C’est horrible ! On ne peut pas le trouver en ligne.
Christian Pinchbeck : Il y a tellement de groupes qui ont le mot Elephant dedans. On s’est fait poursuivre en justice par un groupe Français, il y a un mois ! On a gagné, d’ailleurs.
Vous avez enregistré l’album en France ?
Christian Pinchbeck : Non, on l’a enregistré à Londres. On a écrit quelques chansons dans la maison de tes parents en France, par contre. Mais tout l’enregistrement a été fait chez Andy.
Amelia Rivas : L’écriture de la plupart des titres a été faite dans la chambre de Christian, les rideaux fermés, en pleurant (rires). Il avait un voisin trop flippant dans l’appart d’en dessous, à Peckham. Il nous menaçait de sa fenêtre lors de la préparation des titres : "Si vous ne baissez pas la musique, je vais venir vous voir" et on avait vraiment peur.
Dernière question un peu indiscrète, est-ce que c’est difficile de travailler ensemble quand vous avez eu une histoire personnelle ?
Amelia Rivas : Oui c’est bizarre ! Je ne sais pas comment on a fait !
Christian Pinchbeck : Plus maintenant, remarque.
Amelia Rivas : Je suis contente qu’on ait continué à travailler ensemble mais à un moment, je ne voulais plus revoir ta tête. (rires)
Merci à Amelia Rivas, Christian Pinchbeck, Elisabeth Lavarenne et à Mathilde de l'hôtel Edgar à Paris. Vous pourrez retrouver Elephant et Barbarossa pour une soirée dédiée au label Memphis Industries, le mercredi 21 mai 2014, au Point Ephémère, à Paris. |