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Manchester  du 21 au 24 avril 2014

J’ai vu à quelques jours d’écart La vie d’Adèle et Her. Malgré leur grande différence, il y a dans chacun de ces films une scène d’amour également radicale, inventive et inspiratrice. Dans le film de Kéchiche, tout a l’air authentique, notamment les orgasmes des comédiennes. Les plans très crus, la longueur des séquences, et le rapport à la vérité m’ont frappé, violemment. Dans celui de Jonze, c’est l’inverse : la scène, entre un humain et un système d’exploitation informatique, se passe entièrement dans le noir - on n’a donc que le son. J’ai trouvé que c’était une expérience cinématographique intense. Même les sous-titres, qui produisaient une source lumineuse en apparaissant à l’écran, me gênaient. Pourtant, tout est chiqué : le sexe, uniquement suggestif, et surtout la scène : du point de vue du spectateur, il ne fait aucun doute que tout est joué, simulé, entre les comédiens. Mais l’illusion fonctionne.

Street art temporaire dans le Northern Quarter

Al Faisal : les meilleurs cheese nan de Manchester

Ces deux dispositifs sont sûrement déjà arrivés dans l’histoire du cinéma, je ne suis pas spécialiste - et à la limite, ça n’est pas ce qui m’intéresse : le choc que j’ai fait mien est celui de ces oeuvres, à ce moment précis. Ce sont ces deux scènes là, dans leur interaction, qui ont bousculé mon imagination (Deleuze appelait ça l’image-mouvement) et m’ont donné semblé "relevantes", comme dirait Derrida. Ouh là, name-dropping des deux philosophes en D à deux phrases d’écart. J’assume : la lecture de ces deux auteurs a fait sens dans ma vie et a éclairé mes aspirations musicales ces vingt dernières années.

L'œil de Manchester

J’ai l’impression que les chocs artistiques marchent souvent par deux. Il n’est pas rare que j’associe par exemple un disque séminal à mes oreilles (mettons Matangi de M.I.A) à la lecture du moment (Une histoire populaire des Etats-Unis, Howard Zinn), ou bien au film, la série ou l’exposition vue à la même époque. Quand je réécoute l’album en question, les lieux ou sensations ou oeuvres qui lui sont associés me reviennent presque par réflexe, par kinesthésie. Dans ces cas là, j’ai l’impression que l’effet relevant* est encore plus solide que lors d’un choc artistique "isolé" : c’est la supériorité de l’archipel sur l’île. Mantangi+Zinn, plus forts que La Joconde.

*Derrida employait cet anglicisme pour parler de ce qui relève, au sens à la fois culinaire, thérapeutique, et sémantique. Son champ d’étude était la traduction, mais on peut l’adapter à l’art - on a parlé de ça avec Flavien dans cette émission. Il me semble que c’est la meilleure définition possible d’un "chef-d’oeuvre". Un jalon, une balise, un repère. Puisque la barre a pu être placée ici, il est donc possible aux yeux de l’artiste suivant de l’atteindre, voire de tenter de la dépasser, un peu.

Piccadilly Gardens, jeudi dernier

Isolées, ces deux scènes de sexe chez Jonze et Kéchiche m’auraient sans doute marqué en soi. Mais leur association est encore plus féroce, et me donne envie de trouver la même radicalité dans ce que je produis comme dans ce que j’écoute. Deux œuvres dont je parlais plus haut me font cet effet depuis quelques mois : Une histoire populaire des Etats-Unis et Matangi.

Le dernier album de M.I.A est inépuisable. Je trouve son travail admirable depuis le départ, mais celui-ci place le curseur à un niveau encore supérieur dans l’équilibre dangereux et parfaitement précaire entre expérimentation et mélodie, entre rythme universel et grand n’importe-quoi hallucinogène. Third de Portishead jouait dans la même cour, de même que quasi toutes les chansons de Broadcast.

Village perdu dans la campagne de Bristol --> banlieue de Birmingham --> communauté Tamil au Sri Lanka. M.I.A vient d’encore plus loin chez les dominés, et ce n’est sûrement pas étranger à sa colère. C’est précisément le point de vue que recherche Zinn dans son Histoire populaire des Etats-Unis. Il déplace le récit habituel en attribuant la narration aux populations exploitées et décimées. Comme dit Toni Morrison, l’histoire des Etats-Unis a trop souvent été racontée du point de vue de l’homme blanc. M.I.A+Zinn, plus fort que tous les discours de Dakar.

 

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Mickaël Mottet         
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