Réalisé par Xavier Dolan. Canada/France. Drame. 1h42 minutes.
(Sortie le 16 avril 2014). Avec Xavier Dolan, Pierre-Yves Cardinal, Lise Roy, Évelyne Brochu.
Xavier Dolan a 26 ans et déjà cinq films à son crédit, dont un à venir en sélection pour le prochain Festival de Cannes. C’est donc un surdoué que l’on va suivre devant et derrière la caméra de "Tom à la ferme".
Si l’on ne connaît pas encore son cinéma, on découvrira que ce tout jeune homme brille par son étonnante maturité cinématographique. Pas question ici d’épater par des effets gratuits, l’usage de la 3D ou un cynisme de "petit malin" prétendant avoir tout compris du monde qui l’entoure.
Non. À l’âge où les cinéastes de sa "génération" sont encore en train de sagement bricoler leurs premiers courts-métrages dans des écoles renommées, l’auteur de "Laurence Anyways" poursuit, lui, un chemin déjà bien tracé et débroussaillé.
Mais, après ses trois premiers films qui pouvaient se lire comme une trilogie autobiographique avec en fil rouge la recherche de l’identité sexuelle passée au prisme de l’homosexualité, "Tom à la ferme", tiré d’une pièce de Michel Marc Bouchard, est un "vrai" drame québécois.
Xavier Dolan et Tom, le personnage qu’il incarne, quittent Montréal pour se plonger dans un univers rural typiquement américain, un univers plein de sauvagerie, voire de bestialité, où les sentiments pour un veau qui naît ou une vache qui meurt peuvent être plus tendres que pour un étranger, un homosexuel ou une femme.
Dialectique entre l’amour et la barbarie, "Tom à la ferme" traite de l’intime dans un monde où les grands espaces voisinent avec une grande maison vide d’horizons dans laquelle le refuge ultime est une chambre close sur l’enfance.
Thriller au pays du malheur, le film confronte des personnages forts, enfermés dans leurs douleurs et leurs frustrations. Au milieu de tout ça, Xavier Dolan ressemble à une blonde héroïne d’Hitchcock. Il court à perdre haleine dans des champs de maïs, découvre des secrets et craint le pire en prenant une douche...
Dans cette atmosphère extrêmement pesante, on accepte sans problème la loi scénarique du film : Tom, jeune publicitaire projeté pour les obsèques de son compagnon mort dans la famille de celui-ci, décide d’y rester. Alors qu’il pouvait échapper au frère fruste et violent, à la mère qui refuse que son fils ait pu être homosexuel, le voilà qui trait les vaches et prend la place du mort.
S’en suit un film nerveux, tendu, menaçant, qui n’est pas sans rappeler le monde des "ploucs américains", celui qui peut à la fois nourrir des pièces à la "Tennessee Williams" et des films remplis de psychopathes dégénérés.
On retiendra la performance de Lise Roy, la "mère", de Pierre-Yves Cardinal, le "frère" qui font face à Xavier Dolan en ange blond qui pourrait sortir des "Enfants terribles" alors qu’il est plutôt confronté à l’univers de "Délivrance".
En quittant "Tom à la ferme" de Xavier Dolan, on aurait presque envie que le réalisateur reprenne le rôle pour de nouvelles aventures et crée une série comme Martine ou Caroline. Après "Tom à la ferme", pourquoi pas "Tom à la ville" ou "Tom à la montagne" ?
Xavier Dolan est évidemment un cinéaste d’avenir. Certains voudraient qu’il gagne en ambition. On souhaitera, au contraire, qu’il n’oublie pas la veine de "Tom à la ferme" où il montre de grandes qualités pour filmer le monde et les gens, et pas seulement pour s’enfermer dans un cinéma trop centré sur lui-même. |