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Je ne sais pas si vous vous souvenez de cette pub pour France Telecom ou les PTT qui disait que le bonheur, c’est simple comme un coup de fil ? L’histoire de ce disque a commencé justement par un coup de fil ou plus précisément par un mail (daté du 11 juillet 2012 pour ceux qui portent une importance aux dates…) : "Hi Pal ! I was in Alaska recently and it was so beautiful and inspiring. I have a crazy idea, you make 5 songs for me to sing on, and I make 5 songs for you to sing on, and we would have an album together ! What do you think ? I hope you’re well. Jim". Nos oreilles remercient donc chaleureusement l’Alaska et ce qu’elle peut inspirer.
Mickaël Mottet (Angil) et Jim Putnam (Radar Brothers) se connaissent depuis quelques temps, ils collaborent ensemble depuis 2008 et une tournée française conjointe. L’idée directrice de ce disque, la méthode de composition, écrire l’un pour l’autre, concept récent dans l’histoire de la musique, est plutôt casse-gueule. Ecrire pour les autres n’est pas forcément un exercice facile. Les deux musiciens s’en sortent haut la main.
"J’ai écrit spécialement pour Jim, en imaginant sa voix, et surtout en me laissant transporter dans une sorte de musique fantasmée. Je me suis imaginé ce que j’aimerais entendre de sa part. Cela a donné d’abord "A list", qui est probablement la composition la plus Radar Brothersienne que j’ai faite, puis progressivement ça a glissé vers le projeté, le fantasmagorique, pour "What It feels like", je nous imaginais en duo de chanteurs dans les années 70. Pour "That Other Song", j’ai pensé au groupe Barr et au fait que j’adore la voix plus parlée, limite rappée, de Jim".
Et on sait combien Mickaël Mottet aime ce genre de phrasé ! Ce n’est pas pour rien non plus que "That Other Song" est le titre le plus proche dans l’écriture et dans l’approche rythmique du répertoire d’Angil, chassez le naturel... Composer pour un autre s’est donc quelque part un saut dans le vide, une projection. Mais pas une première pour le chanteur Français : "j’avais déjà écrit des chansons en m’imaginant dans la peau d’autres chanteurs, pour la compilation des dix ans du label We Are Unique ! Records par exemple avec Lunt (Gilles Deles) et Melonhead (Gerald Guibaud). Mais surtout, je pense que l’écriture, en particulier dans une langue qui n’est pas ma langue maternelle, c’est déjà un exercice de mise en scène".
Et puis écrire pour un autre, cela peut avoir quelque part un effet cathartique. "Je ne me suis pas retrouvé sur un terrain entièrement vierge, j’ai procédé comme habituellement : j’ai parlé de moi, de mes expériences, en allant peut-être encore plus loin que d’habitude dans l’analyse de ce qui m’est arrivé. Les paroles parlent de choses très précises, vécues, et là où les choses sont déjà facilitées naturellement par l’utilisation de l’anglais, c’était encore plus simple, plus fort, en mettant ces mots dans la bouche d’un autre".
En résulte un disque loin d’être un anecdotique jeu entre amis. Cohérentes, ces dix compositions se marient parfaitement pour, au final, former une même vue de la musique pop. Il est très facile d’être happé, de se projeter dans ce disque de pop soyeuse finement ouvragée, à la fois contemplative et directe, simple mais audacieuse (le superbe "Concert Of Everything", basé sur le sample de "La Mort d’Ase" issu de la suite Peer Gynt d’Edvard Grieg, composé par Mickaël Mottet par exemple). On y retrouve les talents de composition des deux musiciens, le spleen, la pop aérienne, le presque sound painting, la complexité…
On sait d’ores et déjà que Mickaël Mottet mettra Angil and The Hiddentracks en vacances prolongées en 2014 après avoir sorti un dernier maxi. Mais cette expérience a-t-elle changée sa façon de composer ?
"Cela fait déjà une différence d’employer mon vrai nom. Je me détache progressivement du patronyme Angil et je sens que sa disparition sera un soulagement. Cela a probablement changé quelque chose dans l’écriture pop. Je n’exclus pas de composer d’autres chansons de ce style un jour, sous mon propre nom donc. Mais pour l’instant j’ai vécu cette série de compositions comme un épuisement, dans le sens d’aller jusqu’au bout de quelque chose, d’avoir épuisé les ressources. J’ai envie de retrouver une certaine radicalité, un nouveau danger, je veux m’orienter à nouveau plus près du rap. Je sens que j’ai moins à dire. Mais après cette forme d’aboutissement qu’est le fait de fabriquer un disque avec l’une de ses idoles, et avant la fin du groupe dans lequel j’ai mis toute mon énergie depuis 20 ans, ça me paraît être un mécanisme de défense assez logique, de l’instinct de survie".
Ce disque est une très belle façon de terminer un cycle… |