Derrière l’alias tUnE-yArDs se dissimulent Merill Garbus, Merill Garbus et Merill Garbus. C’est aussi simple que cela. Si tout à chacun entretient régulièrement des monologues de la plus haute importance avec sa petite voix intérieure, d’autres se retrouvent à monter des groupes (factice ?) avec celles-ci.
C’est bien l’explication la plus acceptable (et l’une des moins charitables) que l’on peut imposer à tUnE-yArDs et qui se confirme une nouvelle fois avec le pétaradant et courageux Nikki Nack.
Courageux, car l’album aurait pu, comme ses prédécesseurs, se contenter d’aligner une série de rythmes vrombissant entrecoupés de pseudo harmonies vocales, le tout soigneusement enveloppé dans une dynamique féroce. Au lieu de cela, cet opus polymorphe fait le choix de zigzaguer entre les genres et tente de se réinventer. Bien évidemment, Nikki Nack fait honneur à ce que l’on attendait d’un esprit aussi libre que celui de Merill Garbus, mais on y détectera aussi une nouvelle dimension que l’artiste avait eu jusqu’ici.
C’est d’abord une évolution vocale puisque Merill Garbus, Merill Garbus et Merill Garbus s’accordent bien plus d’espace. Si elle(s) s’essai (ent) à des expériences multiples depuis le R’n’B, en passant par la pop et quelques incursions dans des systèmes punk et noise, tUnE-yArDs s’exercent maintenant sur des territoires bien plus vaste pour son chant. L’artiste confiait à propos de ce nouvel album qu’elle y utilisait "pour la première fois ses poumons", chose indéniable au vu de la longueur des notes qu’elle réussit à tenir sur les titres les moins dansants.
Une découverte qui fleure légèrement la maturité stylistique ou la déperdition créative, suivant le schéma propre aux créateurs effrénés et évoluant en dehors des marges (le genre d’artistes que 4AD aime à signer).
De fait, on découvre à Merill Garbus des titres ("Manchild", "Real Thing" et "Nikki Nack") aux lyrics faussement moralisateurs et réclamant une lecture au second degré. Une interprétation demandant un peu de distance et qui s’appliquera aussi aux compositions les plus étranges de l’album et sûrement les plus agréables. Egrenant des percussions pseudo tribales, des rythmes issus de l’Afrique de l’Ouest ("Water Fountain" ; "Nikki Nack") et les couplant sans ambages à des raccourcis culturels un brin réducteur ("Rocking Chair"), tUnE-YaRdS se mord la queue et finit par lasser les oreilles.
C’est d’ailleurs la principale faiblesse de ce Nikki Nack, si l’on se laisse agréablement surprendre et entraîner par l’aspect chaleureux des compositions, l’esprit vient de façon régulière buter sur cette fenêtre bancale que l’artiste a tenté d’ouvrir sur les cultures tribales. Sans même parler des propos ne réussissant à atteindre leur but d’éveilleur de conscience que par intermittence. Etablissant ainsi, que cet opus réussi à être diversifiant, parfois jouissif, mais guerre plus. |