En avril 2102 sortait 151A, le premier album du chanteur et violoniste Kishi Bashi. On y retrouvait un surprenant mélange de pop luxuriante et de titres largement plus progressifs qui nous faisaient dire à l’époque que "derrière le lyrisme de cette pop terriblement efficace se cache un monde d’inspiration, de subtiles variations, d’ambiances nervurées et de textures complexes, où Kishi Bashi articule sa musique avec une certaine aisance voire audace et laisse notre imaginaire divaguer".
Deux ans plus tard, les choses n’ont pas vraiment changé. Kishi Bashi est toujours une sorte de Nigel Kennedy pop et dansant. Par contre, fini les estampes proches d’Hokusai, bonjour Bruegel. A l’image de sa pochette, Lighght nous propose une véritable galerie de styles (pop, folk, psychédélisme, classique ou jazz) comme autant de portraits disparates qui, comme chez le peintre Flamand, forment un tout cohérent. Au centre, le musicien trône sur un cheval blanc piétinant un échiquier mais on l’imagine facilement plus à l’aise sur une licorne, violon à la main, en croqueur de diamants.
Toujours incapable de choisir entre mignardises pop colorées et titres plus progressifs, Kaoru Ishibashi laisse l’auditeur se dépatouiller comme il peut, sauf que cette fois-ci il semble s’être totalement décomplexé ou tout du moins libéré. Tout ici est donc un peu plus, que dans 151A : un peu plus progressif, un peu plus aérien, un peu plus foufou, un peu plus virtuose dans le jeu du violon presque omniprésent. C’est extravagant, le musicien l’est un peu, c’est très souvent déluré, ça brasse beaucoup d’air et parfois cela fonctionne parfaitement et parfois moins, voire beaucoup mais alors beaucoup moins.
On adhère pleinement quand Kishi Bashi, tout romantique qu’il puisse être, trouve l’accord juste dans ses compositions. C’est le cas avec des titres comme "Philosophize In It ! Chemicalize With It !" et son envolée de petits papillons multicolores, "Carry on Phenomenon" où le fantôme de l’opéra aurait troqué son orgue pour un violon, le presque folk touchant de "Q&A" ou le poétique et céleste "In Fantasia". Par contre, nous restons circonspects face à des titres comme "Debut Impromptu" et "Impromptu n°1" : instrumentaux pas foncièrement pertinents et dubitatifs quant à "The Ballad Of Mr. Steak", mélange improbable et assez disgracieux de Catherine Lare et de Mika, "Once Upon a Lucid Dream (In Afrikaans)", ou "Hahaha Pt. 1" et 2 où Kishi Bashi se perd dans un salmigondis vaguement progressif.
Moins lumineux (c’est un comble) que 151A, on pourra regretter l’absence de titres aussi forts que "Manchester", "Bright Whites" ou "I Am The Antichrist To You", Lighght n’en est que plus exubérant. Et si l’on peut déplorer ses débordements, Lighght n’en demeure pas moins un disque plutôt attachant. |