Texte de Antonin Artaud dit par Emilie Paillard dans une mise en scène de Mirabelle Rousseau.
Campée avec subtilité et talent par Emilie Paillard, elle est croquignolette cette Alice un peu montée en graine et, surtout, dotée d'un caractère bien trempé, qui invite le spectateur à une traversée du miroir un peu singulière car peaufinée par Antonin Artaud.
Dans le cadre de l'art-thérapie pratiquée au cours d'un de ses internements en hôpital psychiatrique, ce derniera procédé, sous le titre "L'Arve et l'Aume", à une traduction pour le moins personnelle d'un chapitre de "De l'autre côté du miroir" de Lewis Carroll qui s'inscrit comme la suite du fameux "Alice au pays des merveilles".
La dramaturge Muriel Malguy et la metteuse en scène Mirabelle Rousseau ont planché sur cet opus dans lequel la poétique artaudienne, ancrée dans les insondables ténèbres de l'esprit, s'applique à une prose que Artaud qualifiait de langage de "snob anglais" et opère par déstructuration du langage.
Il en résulte un dialogue entre l'Arve, celui qui existe sans de sonner la peine d'être, et l'Aume, le verbe originel, truffé de néologismes et de concepts qui aborde différents thèmes tels la question du nom et de l'identité, les origines du langage et l'arbitraire du signe et le sens des conventions.
Un tapis, une lampe de chevet et une bonnetière, voici la chambre d'Alice conçue par Clémence Kazémi. Trois coups résonnent dans l'intérieur de l'armoire et, tirée la porte à miroir, Alice découvre Dodu Mafflu, le Humpty Dumpty anglais, l'oeuf grammairien, avec lequel elle va se livrer à une acrobatique joute oratoire.
Emilie Paillard réussit le tour de force de procéder à cette entreprise de mastication régénératrice des mots en campant avec une jubilation évidente les deux personnages.
Avec "Marie Immaculée" et "Comment j'ai écrit certains de mes livres", "L'Arve et l'Aume" constitue le triptyque de sortie de résidence de la Compagnie du T.O.C. Théâtre, un triptyque axé sur l'exploration de la dramaturgie du lieu clos et de la topologie de l'intime.
Trois réussites pour le le Théâtre Obsessionnel Compulsif à suivre résolument. |