Peut-on affirmer que BOOTS est rentré dans le milieu de la musique en empruntant une porte dérobée ? Sans doute pas.
Après quelques expériences peu fructueuses (et passée inaperçues) dans le domaine pop, voici que l’homme signé en catimini chez Roc Nation, se retrouve derrière la production de la majeure partie de l’album surprise de Beyoncé. Un saut du coq à l’âne et véritable tour de force qui a très vite propulsé l’artiste au rang de jeune prodige de la production.
Sans se prendre les pieds dans l’épais tapis à l’apparence confortable (mais dissimulant souvent des épines) que fut le buzz qui s’en suivit, BOOTS a préféré se concentrer sur sa musique et mettre en ligne des bribes de celles-ci. Pas de quoi vraiment se gargariser ? Disons simplement que l’homme y accueille des guest prestigieux de l’acabit de Kelela, Son Lux et bien sûr Beyoncé.
Avec WinterSpringSummerFall, Jordan Asher de son vrai nom, fait donc sciemment un pas de géant vers la lumière des projecteurs qui le cherchent depuis le mois de décembre dernier. Si l’homme cultive en partie son halo de mystère, ses 15 premiers titres statufient rapidement sur sa qualité de producteur et de musicien, dont la sensibilité se tient au centre d’un réseau d’influence à spectre large.
Sonorités pop et hip-hop se renvoient la balle le temps d’échanges fiévreux et rythmés, alors que sa propre voix alterne sans ambages entre chant et rap. Une dichotomie lui permettant de papillonner avec un certain succès d’un terrain à l’autre, de passer de titres foncièrement pop, à la manière de "Fade Away" au très hip-hop "Autumn (Lude I)".
Petit jeu d’équilibriste rafraîchissant, d’autant que peu d’artistes se permettent d’en faire autant, malgré les jurisprudences de la décennie passées. De façon assez efficace, le jeune homme réussira donc à passer de productions pop aux accents R’n’B, ("Dust" et "Howl / Your Move") à des expérimentations jonglant entre électroniques débridées et balades contemplatives ("My Heart Is A Stone Today"). Une limite qu’il s’applique à rompre à grands renforts de bouleversements intervenant régulièrement en plein cœur d’un titre.
Et si vocalement, BOOTS n’atteint pas le niveau de la plupart de ses guests, l’artiste s’en sort très bien et convainc tout aussi facilement dans ses habits de crooner que dans ceux qu’il enfile lors d’un rap légèrement blasé qui ne sera pas sans rappeler le style de Mike Skinner.
De fait, en réussissant à canaliser sur la même mixtape des épisodes aussi différents, l’homme explicite clairement sa maîtrise de l’univers musical contemporain en faisant largement appel à des méthodes de production dites "indie" et en instillant une forte dose de glitch électroniques. De quoi crier "au génie" ? Peut-être pas. Mais le détour en vaut quand même la peine, puisque peu réussissent à conjuguer les univers précités avec autant d’harmonie. |