Après un premier album, The Turn, à la beauté extatique sorti en 2009, Fredo Viola revient avec un nouvel album : The Revolutionary Son. Dans la même veine que son disque précédent, on y retrouve des cascades de chœurs, des ambiances mystérieuses, des harmonies subtiles et de superbes mélodies. Rencontre…
Comment décririez-vous votre musique à quelqu'un qui n'en a jamais entendu parler ?
Fredo Viola : Je dirais que ma musique est obsessionnellement vocale, parfois psychédélique, parfois cinématographique, très mélodique, et très émotive.
Vous utilisez votre voix comme un instrument qui se démultiplie, préférant jouer avec la couleur des accords que sur les timbres.
Fredo Viola : Mon plus grand talent musical est mon chant, ma voix donc je trouve ça beaucoup plus facile d'expérimenter en l’utilisant. C’est avec ma voix que je fais mes plus belles découvertes. Mais aussi, il y a quelque chose de presque mystique dans la multiplication des voix. Avec l'ajout d'autres harmonies vocales, la musique devient magique, presque utopique.
Quelles sont vos influences ?
Fredo Viola : J'en ai tellement ! Harry Nilsson, Biff Rose, Boards of Canada, l’orage, Kate Bush, Mozart, Benjamin Britten, Shostakovich, Bach, Bartok, Stravinsky notamment Les Noces), et tout un tas de bluegrass et gospel.
Comment se passe la phase de composition ? Et celle d’enregistrement ?
Fredo Viola : Le matériau pour Revolutionary Son a été écrit de plusieurs manières. D'abord, la plupart de mes idées mélodiques viennent presque toujours pendant que je fais autre chose... Shopping pour la nourriture pour le chat, nettoyage de la vaisselle. Des choses banales et monotones. En fait, la chanson Revolutionary Son est venue pendant un voyage à l'animalerie ! L'astuce consiste à être en mesure de rester dans quelque chose d’instinctif, mais tout en restant dans l’intellectuel.
Ma deuxième méthode est quelque peu semblable à la technique de l'écriture automatique. J'ai mis en place un système dans Logic Pro dans lequel je peux créer 5 pistes séparées de 4 boucles. J’arme une piste avec un microphone et, en utilisant un contrôleur MIDI, je tourne les cadrans qui envoient le micro sur l’une des 5 pistes. Une fois bouclées, je peux contrôler le volume de ces boucles, je peux les couper, ou les réinitialiser, etc.
J’enregistre de manière presque rituelle. Il est important de ne pas avoir d’idées, de commencer avec une ardoise vierge. J'ai des centaines de ces sessions enregistrées. Plus tard, si quelque chose a mûri, j’y retourne et je retravaille dessus. Parfois j’ajoute des instruments, parfois je réenregistre tout. "The Cult", "A Flood In The Cellar" et "Wood Smoke" ont été créées de cette façon. En fait, même "Supplicant’s Song" a commencé de cette façon, mais tout a été transformé plus tard.
Vous travaillez également la vidéo. C'est aussi important que votre musique ?
Fredo Viola : Oui. Pour moi travailler sur le visuel est comme une pause intéressante quand la musique est devenue un travail trop difficile. C'est une façon de se rafraîchir l’esprit. Et puis une fois que le travail visuel devient difficile, la musique redevient l’échappatoire. Mais je pense que c'est important aussi parce que c'est un moyen de renforcer les idées inhérentes à la musique, et en y ajoutant une autre couche poétique.
Pour revenir à l'idée de voix multipliées, j'aime adapter cette même technique à tout ce qui est visuel. J'aime la façon dont cela peut interroger la notion d’identité. J'ai eu cette idée grâce à une série de tests photographiques menés en Angleterre par le John Innes Institute. Ils ont photographié des hommes et des femmes, et superposé tous les visages en fonction du sexe. Cela a donné des archétypes physiques. Une sorte de monsieur tout le monde et de madame tout le monde. Tout à fait étonnant !
Qui est ce fils révolutionnaire ?
Fredo Viola : C’est le jeune Dieu, Dionysos, fils d'une femme mortelle et de Zeus. J’ai pendant une longue partie de ma vie été obsédé par un jeu sur Dionysos appelé les Bacchantes. Je suis attiré par le thème de la société humaine, arrogante et humiliée par une puissance mystérieuse et par la mort. Plusieurs chansons de cet album sont liées à ce thème : "Revolutionary son", "Supplicant’s Song", "The Whites", "The Cult", "A Flood In The Cellar" et "Wood Smoke". Mais ce titre est également une référence aux ambitions anarchiques des enfants.
5 disques importants ? Et pourquoi ?
Fredo Viola : 1) Bitches Brew, de Miles Davis, parce que c'est un travail transcendant, extatique et révolutionnaire.
2) Don Giovanni, de Wolfgang Amadeus Mozart, parce que c'est... eh bien, tout. C'est incroyable. Donc fluide, sans effort, émouvant et beau. En outre, il ramène des souvenirs de mon enfance mystérieuse.
3) la Sonate de Chostakovitch pour alto et piano, sa dernière œuvre... En ce moment je suis sûr que Chostakovitch savait que ce serait son dernier travail et vous pouvez vraiment entendre la tristesse. Mais je suis attiré par ses mystérieuses harmonies.
4) tout de Bach, mais il y a un prélude de choral (BWV 639) écrit à l'origine pour orgue qui a été transcrit pour piano que j'aime pour des raisons similaires à celles du Chostakovitch. C'est à peu près aussi profond et émouvant.
5) Les Noces de Igor Stravinsky, parce que c'est fabuleux, extatique, sauvage.
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