Un suicide est toujours un acte incompréhensible pour des proches. Celui de Unni Chacko, adolescent de Madras qui s'est jeté la tête la première du haut du balcon familial, a entraîné son père Ousep dans une quête effrénée sur les raisons de cet acte. Trois ans après les faits, nous suivons ce journaliste, écrivain raté et alcoolique, faire subir d'inlassables interrogatoires auprès des anciens camarades de son fils, et découvrir peu à peu ce dernier à travers ces témoignages. Quant à la mère d'Unni, celle-ci semble sujette depuis toujours à des crises schizophréniques et parle aux murs de l'appartement familial, à des fantômes du passé, devant son unique autre fils désemparé...
Le bonheur illicite des autres nous plonge dans l'Inde des années 80, à travers les trois membres de cette famille plutôt atypique, Melayalees catholiques habitant au milieu d'un bloc d'immeubles d'où les femmes échangent les ragots, perchées sur leurs balcons. On y découvre une société d'une grande violence envers sa jeunesse, avec des garçons obnubilés par les examens de fin d'année, sésames pour les meilleures écoles scientifiques permettant peut-être une vie meilleure aux États-Unis. Pour les filles, le traitement n'est pas meilleur, et c'est en filigrane que l'auteur Manu Joseph, qui a lui-même grandi à Madras, nous dessine une société où le harcèlement de rue est monnaie courante. Le roman couvre une multitude d'autres thèmes, comme la honte liée à la pauvreté ou les désillusions de l'adolescence, avec des incursions dans le monde des dessinateurs de BD ou des neurochirurgiens, le tout avec un style non dépourvu d'humour et plutôt agréable à parcourir.
Malgré une certaine répétition fastidieuse du roman décrivant plusieurs aspects de la vie d'Ousep, comme ses retours de virées nocturnes où il titube en hurlant pour rentrer à l'appartement familial, jusqu'à ses harcèlements pour trouver la cause de la mort de son fils, ce caractère répétitif en souligne le douloureux quotidien d'un père à la recherche de la vérité. Et l'on découvre que cette quête de Vérité (avec un V majuscule, celle-ci) habitait également Unni, paradoxalement le personnage le plus présent du roman. |