Spectacle conçu et interprété par Coraly Zahonero accompagnée par les musiciennes Helene Arntzen et Floriane Bonanni.

Grisélidis Réal (1929-2005) est devenue célèbre par son engagement pour les droits des prostituées. Dans ses livres ("Le noir est une couleur", "La passe imaginaire", "Carnet de bal d'une courtisane") ou ses interviews, elle témoigne de sa vie de prostituée.

Elle insiste que ce métier est tellement particulier que seule "une putain" devrait être autorisée à en parler. Elle seule, en connaît la difficulté et les dangers, l'humiliation et la relégation de ces femmes déconsidérées, méprisées, rejetées par leur famille, stigmatisées par la morale d'une société hypocrite. Elle le regarde bien en face, ce métier.

Mais puisque la nécessité de gagner sa vie et d'élever ses enfants l'ont conduite sur le trottoir, elle transforme cette matière pauvre, sale, dépréciée en un tableau aux mille couleurs, de larges coups de pinceaux rugueux, des contrastes accentués, de la laideur et de la douceur.

Le tableau émouvant de la nature humaine dans tous ses replis, troubles comme insoupçonnables. Exclue par les exclus elle rejette avec violence le puritanisme et l'aliénation, elle choisit la liberté généreuse contre la pudibonderie et appelle un chat un chat.

Coraly Zahonero s'est immergée avec passion dans la vie et les mots de Grisélidis Réal. Elle a conçu un spectacle délicat et incarne cette figure de femme au plus près de l'âme, elle ranime son port de tête de reine d'Egypte, son phrasé à l'accent suisse et sa révolte de femme, solidaire et bienveillante.

La démarche est sans parti-pris sur la prostitution en tant que telle : l'interdire ? la régulariser ? mettre à l'amende les clients ou les filles? De même elle se refuse à expliquer quoi que ce soit : les clients sont de toutes les origines sociales, de toutes les conditions, les prostituées de tous les âges, les tailles, les beautés. La représentation du marché du sexe garde toute sa complexité.

Coraly Zahonero rend un hommage formidable à Grisélidis Réal comme si elle lui prenait la main pour l'accompagner sur son chemin. Elles partagent leurs joies, leurs peines et leur éclat dans une sororité retrouvée. La femme publique et la femme de scène échangent leur fard et leur rouge jouant chacune un rôle au risque de se perdre.

Elle est accompagnée sur scène par les musiciennes Hélène Arntzen au saxophone et Floriane Bonanni au violon, qui viennent peupler ses souvenirs et ses délires.

"Grisélidis" est un spectacle percutant, un portrait de femme d'une qualité et d'une finesse remarquable.