Monologues d’après le roman de Virginia Woolf, mise en scène de Joséphine de Surmont, avec Sarah Calcine, Angèle Colas, Nicolas Gaspar, Jean Philippe Marie, Clotilde Maurin, Jonathan Salmon Louis et Joséphine de Surmont.
Pour ses débuts dans la mise en scène, Joséphine de Surmont n'a pas opté pour la facilité en s'attelant à la transposition scénique d'un texte littéraire de surcroît aussi atypique que singulier, "Les vagues", qui selon les propos même de son auteur la romancière anglaise Virginia Woolf, constitue une oeuvre expérimentale qu'elle qualifiait de "playpoem".
Articulée autour de deux concepts, l'animisme et le gestaltisme, cet opus qui ne répond pas aux codes du théâtre tel entendu de manière classique, car dépourvu tant de personnages, de situation que de narration et de psychologisme, retrace, sous la forme monologale, par le flux de pensée, celle de l'âme, la fameuse “chambre à soi” de Virginia Woolf, la relation au monde et aux autres sur plusieurs décennies de six personnages qui se connaissent depuis l'enfance.
Là ou en 2011, Marie-Christine Soma avait présenté une très réussie adaptation de l'oeuvre dans sa temporalité ("Les vagues" au Théâtre de la Colline), Joséphine de Surmont circonscrit son adaptation à la partie consacrée à l'enfance et l'adolescence, manifeste la même acuité sensible en ayant élaboré un spectacle tout aussi intéressant et mûrement réfléchi en cohérence absolue avec le texte, tant au fond qu'en la forme qu'en l'esprit et au rythme.
Elle signe également la scénographie subtile qui repose sur un seul élément, une toile de parachute, qui non seulement, par sa taille et sa fluidité, permet, avec l'appui des lumières de Stéphane Deschamps, de belles déclinaison esthétiques et ludiques mais de plus, correspond, par son apparente fragilité et sa translucide blancheur à l'essence même de la jeunesse.
Car le grand mérite de ce travail est de parvenir à représenter la (jeu)nesse, ses troubles et la plénitude des possibles, avec un choix judicieux de comédiens qui parviennent, sans travestissement ni lénification, à être et dire ce qui ressortit de l'évocation désincarnée.
Peu importe si parfois quelques mots de cette écriture arachnéenne, sans doute sublimée par la langue de Marguerite Yourcenar qui en a assuré la traduction, échappent à l'entendement, et si les voix paraissent languides, Joséphine de Surmont a su trouver le rythme adéquat, qui, Virgina Woolf n'étant pas Feydeau, ne ressortit pas à la frénésie du vaudeville, pour la pensée intime revisitée à l'aune de la poétique woolfienne.
Par ailleurs, elle a su éviter la récurrence de la juxtaposition des monologues avec des scènes chorales, relevant parfois de la seule suggestion, qui concrétisent un autre des principes woolfiens qui tient à l'inter-relationnalité immanente entre les êtres.
Ainsi Sarah Calcine (l'épicurienne), Angèle Colas (la terrienne), Clotilde Maurin (celle qui flotte), Jean-Charles-Clichet (le poète), Jean-Philippe Marie (le phraseur) et Jonathan Salmon (l'insatisfait) constituent ce beau choeur de consciences qui pulse au rythme d'un coeur juvénile. |