Comédie de Miro Gavran, mise en scène de Etienne Chevrel, avec Tsolinée Vacher, Frédérique Renda et Fanny Honoré.
Belle idée de la Compagnie du Soir, qui ressortit de sa vocation dédiée, que d'explorer les écritures contemporaines hors de l'hexagone et des sentiers battus saxons et anglo-saxons et, en l'occurrence, d'aller voir du côté de l'Europe du Sud.
En l'occurrence, avec la création de "Tout sur les femmes", elle permet au public de découvrir la plume, et la patte, du dramaturge croate Miro Gavran connu à l'international mais encore peu joué en France.
La partition, à l'écriture fine, ciselée d'une ironie toujours bienveillante, repose sur l'imbrication de plusieurs histoires déclinées par épisodes sous forme de micro-drames qui possèdent cependant la particularité d'être chacun construit comme une pièce à part entière, sur le thème des ambiguïtés de la sororité.
En effet, celle-ci, entendue dans le sens générique de la similitude et de la solidarité féminine sans verser dans le militantisme féministe, s'exprime de manière ambivalente de la compassion à la rivalité.
Miro Gavran explore la planète Femme à travers les trois âges de la vie, des premières déceptions des petites en maternelle au désenchantement des têtes blanches, et des femmes ordinaires aux prises avec les situations ordinaires de la vie quotidienne avec un bel humour grave teinté d'émotion sensible. Entre chagrin d'amour, jalousie entre soeurs, rivalité professionnelle et tendresse maternelle, il cerne les fêlures, les blessures sensibles et le désespoir tout comme les petites joies et la réconciliation avec soi et avec les autres.
Cet excellent choix de la compagnie se double d'un remarquable travail sur la dramaturgie percutante de l'opus, dont le ton navigue entre le drame burlesque et la tragi-comédie qui évoque le syncrétisme subtil hérité de la Mitteleuropa littéraire.
Elle est soutenue par la mise en scène pertinente, efficace et inventive de Etienne Chevrel qui ne cède pas aux écueils et tentations du moment que sont le diktat du rire lesté de plomb et de la comédie "girly" et dirige parfaitement trois jeunes comédiennes épatantes.
Sur scène, dans un décor simple, mais pas "cheap", elles embrassent une pluralité de personnages exclusivement féminins qui se croisent et se remplacent lors de changements à vue placés sous le mode, et l'exigence, de fluidité du procédé cinétique du fondu-enchainé pour lesquels Etienne Chevrel use de toutes les ressources scéniques pour en éviter le caractère répétitif.
Les trois brunes "qui ne comptent pas pour des prunes" sont excellentes et réussissent tours piqués et grands écarts comico-dramatiques avec brio : Tsolinée Vacher, la grande, entre la douloureuse et dépressive et la psycho-rigide possessive, Fanny Honoré, la petite, entre la fille s'émancipant d'une mère castratrice et la mère compatissante dans "Mes filles chéries", et, entre les deux, Frédérique Renda, entre la bonne copine et la jolie soeur qui a tout raté.
Que de bonnes raisons donc pour inscrire "Tout sur les femmes" sur son agenda. |