Amateur, étrange et audacieux choix de titre d’album. L’amateurisme est une forme péjorative de non-professionnalisme, donc de pas sérieux, pas investi, pas correct… L’amateur est aussi "celui qui aime" et pratique la chose pour son plaisir. Le Larron est certainement de cette deuxième catégorie. Amateur de musique, forcément, amateur de mots, Amateur est là pour le prouver.
Pourtant, Le Larron est loin d’être un amateur, il a mérité son titre de professionnel dès ses premiers textes pour Ridan et les autres. Et puis il chante pour lui-même les titres que les autres ne veulent pas, ou les plus personnels ? Ou pour le fun ? Toujours est-il que les maquettes "pour le fun" finissent dans les oreilles d’un producteur qui veut produire (enfin, j’imagine que l’histoire s’est passée ainsi).
Un phrasé tantôt scandé, tantôt murmuré, tantôt fredonné, Le Larron joue avec les tons de sa voix, et les souffles cliqués, dodelinés, ses mots respirés, soufflés, crachés. Il incarne ce qu’il chante. Il faut dire qu’il a pris son temps pour cet album, au point de construire son studio, de tester lui-même les arrangements arrangeables, d’inviter ses amis à poser leurs globules sur ses notes (Lisa Portelli a été retenue).
Un titre sous forme de déclaration d’amour où il scande "je t’aime, je t’aime, je t’aime", qui finit par faire flipper, un peu comme ces hommes violents qui ne cessent de faire des déclarations pour se faire pardonner. Idem "Monsieur le juge", un homme qui explique ses théories "avec un peu de pratique", qui éduque au ceinturon et parle avec ses poings.
Un titre pour les timides (qui sont des lâches parmi tant d’autres, "Le timide"), un pamphlet au mutisme (et aux cons, "Parle à ma tête"), une ode à la vie ("La vie est belle") pour un fils à aimer, et même si "j’ai pas appris à être papa", il ne faut pas mentir "la vie est dure, mais tellement belle".
Avec un air de dandy aux sourcils asymétriques, un sourire en coin entre complicité et agacement, Le Larron n’est pas aussi voleur ni amateur qu’il se définit. Il serait plutôt un cynique en costume, attaché à son indépendance et à son regard acerbe sur le monde contemporain, à la fois condamnable et consommable. L’image de bandit qu’il se donne est feinte, mais elle est un bien beau costume pour chanter l’inéluctabilité de la bêtise humaine. |