Réalisé par Marie Amachoukeli, Claire Burger et Samuel Theis. France. Comédie. 1h35. (Sortie le 27 août 2014). Avec Angélique Litzenburger, Joseph Bour, Mario Theis, Samuel Theis, Séverine Litzenburger, Cynthia Litzenburger, Chantal Dechuet, Alyssia Litzenburger, Meresia Litzenburger et Sebastien Roussel.
Co-signé par Marie Amachoukeli, Claire Burger et Samuel Theis dont c'est le premierr long métrage, "Party Girl", doublement récompensé à Cannes par a Caméra d'or et le Prix d'ensemble du Festival Un certain regard. à Cannes, s'inscrit, sans novation, dans le genre cinématographique du docu-fiction.
Par son sujet, une trajectoire de vie singulière dépourvue d'historicité, une réalisation minimaliste, un style naturaliste, des dialogues improvisés pouvant être considérés comme pris sur le vif et un casting composé d'acteurs non professionnels, dont la fratrie Theis-Litzenburger et l'extraordinaire Joseph Bour, qui jouent des personnages éponymes, il évoque "le magazine qui déshabille la société" intitulé "Strip-tease", émission de télévision documentaire belge devenue culte et précurseur de la controversée "télé du réel".
En effet, il brosse le portrait "autofictionnalisé" d'une femme en situation de confrontation avec le réel à travers une exploration lagarcienne de la mythologie familiale de Samuel Theis - comédien et metteur en scène qui a reçu le Prix Jeunes metteurs en scène 2011 du Théâtre 13 avec "Juste la fin du monde" de Jean-Luc Lagarce, dramaturge dont l'intime familial constitue une thématique récurrente - qui a été initiée en 2008 sous la même forme, dans le court métrage "Forbach" réalisé par Claire Burger et monté par Marie Amachoukeli et dont il était le principal protagoniste.
Dans "Party Girl" dont Samuel Theis est l'instigateur et afin d'exploiter un matériau intime qu'il estimait riche et pour, indique-t-il, se réconcilier avec une histoire qui fut douloureuse, la figure principale est celle de la mère qui n'est toutefois pas une figure maternelle.
Vivant en Moselle frontalière et prolétaire, ce tout près de chez nous et pourtant quasiment exotique avec son dialecte francique, Angélique, campée par Angélique Litzenburger plus vraie que nature et haute en couleurs, se présente comme une "fille de cabaret", au demeurant plutôt une mamie car elle a la soixantaine bien "tapée"; Ex-danseuse-stripteaseuse reconvertie en hôtesse de bar rémunérée "au bouchon", elle travaille dans un des cheap Pink Paradise forbachois qui sont au cabaret sexy et glam ce que la baraque à frites est à la gastronomie.
Elle s'enorgueillit d'être une femme libre et une inconditionnelle "fêtarde". Mais la fête est plutôt triste, glauque et artificielle car elle dort le jour et passe la nuit à fumer, boire et s'étourdir avec les clients pour aller jusqu'au bout de la nuit glauque, la prolonger à l'infini avant de regagner une méchante petite chambre ornée d'angelots, de poupées de porcelaine et de photos du beau temps de sa "splendeur".
Elle n'a ni vie sociale, ni vie personnelle, ni même de vie familiale alors qu'elle a quatre enfants, dont une mineure est encore en foyer d'accueil, dont elle ne s'est pas occupé mais dit-elle elle ne les a pas abandonné, on lui a enlevé.
Et puis, voilà qu'un des clients du cabaret lui propose le mariage. Un mariage qui convient à tout le monde : au prétendant, un brave homme amoureux, mineur retraité qui aime cultiver le jardin de son petit pavillon et boire des bières avec ses copains de ball-trap, aux copines de cabaret qui trouvent que c'est une belle manière de prendre sa retraite, à la gérante qui voit l'opportunité de rajeunir sa troupe et à ses enfants, le fils "parisien" qui s'est sorti de ce milieu rappelant à ses frère et soeurs qu'il s'agit d'une occasion à ne pas rater de "caser" leur mère pour éviter de "se la cogner".
Mais Angélique au barbecue du dimanche, à la fête du village avec fanfare et majorettes ou aux occupations ménagères est comme un poisson hors de son bocal. La vie diurne et domestique n'est pas son univers. La vie avec un retraité bedonnant non plus alors que, midinette, elle rêve d'un amour fusionnel avec un prince charmant, jeune, beau et musclé.
Car elle vit hors de cette réalité normative. Tout comme elle n'est pas dans la réalité de son âge, bien marqué par une peau tannée par l'excès de tabac et d'alcool, bloquée dans les années 1970 avec ses yeux charbonneux et sa perruque chignon coiffé-décoiffé à la mode flower power façon Brigitte Bardot sur le retour.
Même attifée teen-ager, boudinée en Tshirt et legging, avec, en sus, un "total look" imprimé animal, sauvage bien évidemment, manifestement un "must" local que partagent sa fille et sa petite fille, abusant des bijoux en toc clinquant, elle ne donne plus le change même si, et malgré une scène violente avec un client qui lui rappelle sans ménagement sa condition, elle se voit toujours comme une séductrice.
Tout n'est pas montré et demeurent des zones d'ombre : la "party girl" est-elle une rebelle ou une victime ? Destin ou libre choix ? Plus pathétique que tragique, le personnage ne suscite pas l'empathie et l'émotion nait fugitivement tant du désarroi que de l'amour qui se lit dans les yeux de ses enfants.
Au spectateur de se faire son cinéma comme il lui appartient d'apprécier l'analyse de Nicole Garcia, présidente du jury de la Caméra d'or qui, lors de la cérémonie de remise du prix a déclaré qu'il s'agissait d'un "film sauvage, généreux et mal élevé". |