Comédie de William Shakespeare, mise en scène de Ned Grujic et Rafael Bianciotto, avec Charlotte Andrés, Rafael Bianciotto, Anne-Dominique Défontaines, Christophe Hardy, Jean-Luc Priano et Francis Ressort.
Dernière pièce de Shakespeare, "La Tempête" est difficilement classable dans son œuvre : est-ce vraiment une comédie ? Peut-on la ranger parmi ses réflexions sur le pouvoir ?
Duc de Milan destitué par son frère Antonio, exilé sur une île déserte avec sa fille Miranda, Prospero s'adonne à la magie. À ses côtés, deux esprits, Ariel et Caliban.
Grâce à ses pouvoirs, Prospero lance une tempête sur le vaisseau d'Alonso, duc de Naples, et de son frère Alonso et parvient à les faire s'échouer sur l'île où il vit.
Voilà donc le point de départ de cette pièce, à la fois onirique et initiatique, qui a été finalement peu montée, et dont la version cinématographique très maniérée de Peter Greenaway, "Prospero's book", renforçait l'opacité.
Prenant au mot Prospero, qui, lors du dénouement de "La Tempête", avoue que "nous sommes faits de la même étoffe que les rêves", Ariane Bégoin et Ned Grujic ont inscrit leur version sous le signe de l'imaginaire. Tout part d'un pliage, d'un peu de fumée, d'une forte odeur d'encens, et le petit navire en papier d'Alonso combat le tumulte des flots...
Sur une scène presque vide, il n'y a qu'un étrange instrument, presque comparables aux étranges machines à percussion de Bernard Lubat, et qui permet à Jean-Luc Priano de donner au spectacle sa couleur musicale en martelant des sons qui semblent surgir d'un autre monde... ou peut-être plutôt de l'esprit de Prospero.
Pour donner un sentiment d'irréalité au spectacle, Ned Grujic et Rafael Bianciotto ont pris le parti de revêtir les personnages de masques, subtilement conçus par Alaric Chagnard. Seul Prospero y échappe, renforçant l'idée qu'il est le deus ex machina qui tire les ficelles de pantins issus de la commedia dell'arte.
On pourra critiquer ce choix qui force les acteurs masqués vers le comique au détriment du poétique, mais, comme il est assuré avec constance, il n'entache pas la cohérence d'un travail soigné qui cherche avant tout à être didactique.
Pièce pleine d'effets, "La Tempête" réclame sans doute de plus gros moyens que ceux dont bénéficient les deux compagnies à l'origine du spectacle, Zéfiro Théâtre et Les Tréteaux de la Pleine Lune. Pourtant, elles tiennent la gageure de présenter une version qui s'attache à respecter les intentions de Shakespeare et qui a l'avantage de ne jamais s'en écarter. |