Réalisé par Liv Ullmann. Norvège Islande Grande-Bretagne France. Drame. 2h13 (Sortie le 10 septembre 2014). Avec Jessica Chastain, Colin Farrell et Samantha Morton.
Mauvaise nouvelle pour les théâtrophiles sur grand écran : "Mademoiselle Julie" réalisé par Liv Ulmann ne ressortit pas au genre du théâtre filmé. Donc à éviter.
En effet, il ne s'agit pas de la partition originale, un vertigineux drame éponyme écrit par le dramaturge suédois Ausgust Strindberg, mais d'une version (très) adaptée bricolée par la réalisatrice qui procède non seulement à des coupes et à des inserts de son cru mais également à des modifications substantielles, notamment quant aux caractères, ce qui affecte la cohérence et le sens de l'intrigue dont seul le dénouement est inchangé.
Mais la joie occasionnée par cette bonne nouvelle pour les cinéphiles, généralement peu enthousiasmés par le statisme théâtral, est malheureusement ternie par une mauvaise nouvelle concomitante qui tient à ce que le film, d'une durée de deux longues heures, s'avère d'un ennui d'autant plus mortel qu'il est dépourvu de toute progression dramatique.
Comme Ingmar Bergman, dont elle fut la compagne, l'actrice et la muse, a livré l'introspectif et mutique "Cris et chuchotements", huis-clos interrompu par des images de la campAgne environnante et scandé par des extraits d'oeuvres de Chopin et Bach, Liv Ulmann signe un démonstratif et bavard "Pleurs et reniflements" avec les mêmes intermèdes ajoutant Schubert et Tchaikovsky dans la soundtrack.
Car dans son histoire d'amour impossible entre maître et valet, tous deux en état permanent d'égarement, qui tend au mélodrame romantique, se traduit par une déferlante de sécrétions lacrymales et nasales relayées par des paroles mouillées s'achevant en sanglots entre une aristocrate, vierge à la trentaine bien sonnée, traumatisée par la mort de sa mère, mélancolique, hystérique et obsédée par la transgression, improbable hybride d'Ophélie qui aurait visionné la scène culte de "Basic Instinct" et un valet émotif, traumatisé par son origine plébéienne et la mort de son petit frère, obscur ver de terre amoureux transi depuis l'enfance d'une étoile, la fille du maître, qui haïra l'objet de son amour dès qu'il sera conquis.
Réalisant par actrice interposée un rêve personnel demeuré insatisfait, celui de jouer le rôle de Mademoiselle Julie, grand rôle du répertoire sur lequel nombre d'actrices, de Isabelle Adjani Juliette Binoche, se sont cassé les dents, Liv Ulmann a choisi son "avatar" physique, la rousse à la peau de lait Jessica Chastain.
Celle-ci use d'un jeu Actors Studio particulièrement appuyé avec force manifestations humorales, une belle composition pour une éventuelle nomination aux Oscars, auxquelles répondent en contrepoint celles factices de Colin Farrell au jeu toujours monolithique.
Particulièrement enlaidie en puritaine gardienne de la "noblesse" de la condition ancillaire, Samantha Norton interprète avec plus retenue le rôle de la cuisinière fiancée du valet.
Enfin, le film pâtit d'une absence totale de synergie entre les différents protagonistes inféodés à l'accomplissement presque narcissique de leur partition ce qui affecte négativement la situation spectatorielle. Donc dispensable. |