Réalisé par Jean-Albert Lièvre. France. Documentaire. 1h33 (Sortie le 24 septembre 2014).

Il fallait l'oser : Jean-Albert Lièvre livre avec "Flore" un documentaire sur Alzheimer qui rend heureux.

D'habitude, en suivant pas à pas l'évolution de cette terrible maladie dégénérative, le spectateur est confronté à la déchéance irrémédiable de personnes qui s'enfoncent dans la démence et la souffrance.

Jean-Albert Lièvre part au contraire de ce qui paraît le bout du voyage pour sa mère, Flore. Pensionnaire dans une maison de retraite pourtant haut de gamme pour anciens artistes, elle ne marche déjà plus, ne mange presque plus rien et est sujette à des crises de démence sénile. La mort n'est plus qu'une question de temps.

Mais Jean-Albert et les autres enfants de Flore s'y refusent. Ils décident de la sortir de son mouroir "chic" pour la réinstaller dans la belle maison familiale en Corse. Ils décident surtout de mettre tous leurs moyens dans ce qui va être une sorte de "résurrection".

Flore, cette belle femme blonde toujours souriante que Jean-Albert Lièvre fait découvrir dans ce cadre idyllique dans les films super-8 de sa jeunesse, est alors un petit tas humain d'une trentaine de kilos rapetissé dans une chaise roulante.

L'histoire, édifiante pour ceux qui pensent qu'Alzheimer est une fatalité, que Jean-Albert Lièvre raconte en images et de sa belle voix off chaleureuse, est simplement le lent retour à la vie de Flore. Grâce à l'amour filial et la sollicitude de ses aides, Flore accepte de remanger, se remplume, finit par remarcher. À la fin du film, elle fera même d'autres prouesses qu'il faut laisser au spectateur le bonheur de découvrir par lui-même.

Jean-Albert Lièvre, qui a filmé la Terre entière pour "Ushuaia", aime la beauté et les belles histoires. "Flore" est un documentaire léché, sans faute de goût, dans lequel il tisse un véritable hymne d'amour à sa mère et aux siens.

Les esprits chagrins diront qu'il faut beaucoup d'argent pour parvenir à ce résultat, somme toute provisoire puisqu'Alzheimer est pour l'instant un gouffre qui n'a cure des belles rémissions.

Il faudra leur rétorquer que Jean-Albert Lièvre et les siens auraient pu, en toute bonne conscience et comme tant d'autres, laisser Flore lentement s'estomper dans sa prison "dorée". S'ils ont beaucoup "dépensé" pour empêcher leur mère de sombrer, ils ont surtout beaucoup dépensé d'amour.

Ils donnent aussi, hélas, la preuve qu'on pourrait faire mieux pour les personnes atteintes de la maladie si on y mettait le prix de quelques missiles prêts à tomber inutilement dans les sables.

"Flore" de Jean-Albert Lièvre est un documentaire impeccable dans sa facture et vraiment touchant dans son message. En découvrant le sourire retrouvé de Flore, le spectateur ne regrettera pas de s'être aventuré à la rencontre d'un sujet qui reste tabou.