Monologue dramatique de Jean Cocteau dit par Sonia El Houmani dans une mise en scène de Bernard Belin.
C'était au temps où les téléphones étaient en bakélite et surtout avaient un fil. Il y avait des opératrices et il pouvait y avoir du monde sur la même ligne.
Alors, qu'arrivait-il quand l'amour ne tenait plus qu'à ce fil aléatoire, à un filet de voix grésillant à l'autre bout du combiné ?
Jean Cocteau, en 1930, a imaginé un monologue où l'on entend une femme qui découvre qu'elle est délaissée, suppliant l'être toujours aimé - que l'on n'entendra jamais - qui est encore à l'autre bout du téléphone.
À l'intérieur de son appartement à dominante rouge, la femme s’époumone en vain et son dernier "je t'aime" se perd au moment où son correspondant raccroche. Souvent joué par des "stars" de cinéma, oscarisées de surcroît, d'Anna Magnani à Ingrid Bergman en passant par Simone Signoret, le personnage imaginé par Cocteau s'enfonce dans les larmes, supplie, n'est plus au final qu'un long râle plaintif.
Dans la version mise en scène par Bernard Belin, Sonia el Houmani est plus en retenue. C'est une femme moderne et l'on pourrait presque remplacer le téléphone d'antan par le portable d'aujourd'hui.
Contrairement à la femme d'avant-guerre de "La Voix humaine", elle se tient longtemps droite, ne craque pas immédiatement et ne sombre jamais dans la supplication.
Texte dense, sans un mot de trop et conçu sans mots d'auteurs ni répliques trop écrites, "La Voix humaine" laisse à son interprète le choix des larmes et des cris. Actrice moderne, Sonia El Houmani se refuse à l'emphase, à la grandiloquence et à l'impudeur. C'est à ce prix que la pièce de Jean Cocteau peut encore toucher le spectateur de 2014.
Mais pour ne pas être totalement hors sujet, Bernard Belin encadre le texte de Cocteau par "l'Hymne à l'amour" chanté par Edith Piaf au début et à la fin de la pièce.
Chanson mythique, vantant la femme soumise à son amant, prête à toutes les humiliations pour le conserver, elle change de sens quand la femme désespérée, lovée sur son tapis rouge, l'écoute attentivement, comme premier exorcisme, pour lui éviter justement de s'humilier pareillement, et pour déjà lui faire faire un petit pas vers l'après-chagrin...
Au fond, "La Voix humaine" proposée par Bernard Belin et Sonia El Hamouni est peut-être la première version féministe de la pièce de Jean Cocteau. |