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puce Jean-Louis Murat & The Delano Orchestra
Babel  (PIAS)  octobre 2014

Je dois vous l’avouer, c’est un petit peu compliqué pour moi de vous parler de Jean-Louis Murat. Mais ce n’est pas très important, concentrons-nous sur les faits, Jean-Louis Murat né en 1954 sort un nouveau disque. Il sort habituellement un album par an, en toute logique Babel est donc son soixantième album.

C’est un peu compliqué pour moi de vous parler de Murat donc parce que j’écoute ses chansons avec attention, fébrilité, passion depuis plus de vingt ans, donc vous vous doutez bien qu’il y a comme un lien même pas défait entre lui et moi. Ça y est, je fais des références obscures… Exactement ce que je voulais éviter de faire.

Donc, je reprends, des faits, des faits, rien que des faits. Babel, double album, triple vinyle, vingt chansons, une heure trente-cinq minutes, soit une moyenne de quatre minutes et quarante-cinq secondes par chanson, enregistré avec le groupe clermontois The Delano Orchestra et la complicité de Christophe Pie, de Morgane Imbeaud (de Cocoon) et d’Oren Bloedow (d’Elysian Field). Vous pouvez l’acheter pour un prix allant de dix à trente euros suivant le format que vous choisirez. Bon, j’ai bien conscience que dit comme ça, ça fait simplement publi-reportage, communiqué de presse de PIAS, que ça ne va pas vraiment vous donner envie donc creusons un peu plus. Mais c’est à vos risques et périls, mais au final vous me remercierez.

La discographie de Murat est pléthorique, une vingtaine d’albums selon la maison de disque, une trentaine selon les fans. Chaque nouveau disque, depuis quelques temps, n’est ni jamais tout à fait le même, ni jamais tout à fait un autre. Ici, on retrouve certains automatismes tant sur des phrases musicales que sur quelques couplets, mais "Chut, pas de bruit !", alors "arrête d’y penser". En fait, chaque disque de Murat semble se répondre comme un long dialogue, cela passe par l’évocation d’un animal, des genêts ou d’une rue du Mont Dore. Citer des lieux, des villes, des volcans, ancre ses chansons dans une Auvergne fantasmée et imaginaire chez l’auditeur, nul besoin de faire le voyage pour comprendre et se laisser porter simplement par l’évocation de la direction du Crest et ses mille hectares de forêt. Paradoxalement, c’est l’inverse pour les textes : il n’est nul besoin de comprendre pour faire le voyage. Évidemment, chacun peut se faire son idée, s’approprier ses textes, voire comment ils résonnent en lui, faire son propre parcours, qu’il soit de la peine, ou jusqu’à la fin.

Il faut dire qu’il s’offre le luxe de multiplier les points de vue, contrairement à une idée répandue il ne passe pas son temps à se plaindre, il ne se cache pas derrière chaque "Je", il sait se faire spectateur, raconter des histoires, imaginer une seconde voix, se perdre de vue, se faire disparaître dans un "tu", dans un "il". Murat le poète est un cliché aussi vieux que Passions Privées ou que Clara qui veut la lune mais pourtant, il reste un des rares à manier aussi bien la langue française, à réussir à mêler les trois niveaux de langage. Pourtant, rien ne paraît vulgaire, rien ne l’est jamais. Il sait alterner la chanson la plus traditionnelle, avec la ballade aux tournures moyenâgeuses, ou même réaliser des textes cut off en écriture automatique et même des refrains à l’efficacité redoutable. Babel le prouve une fois de plus, en nous offrant un large panel du talent d’écriture de Murat.

Malgré une discographie conséquente, jamais n’est sorti de best of, les mauvaises langues diront que c’est parce que… En fait, on s’en fiche des mauvaises langues. La vraie question est pourquoi faire un best of quand il y a tant de bonnes chansons encore à faire ? C’est ce que semble nous dire ce Babel, tant musicalement qu’au niveau des thèmes abordés. Ici, une ballade racontant une histoire d’amour directement inspirée de Bellanger ou de Joe Dassin, là une comptine cool avec chœurs enfantins, ici une chanson légère, là une chronique de la vie paysanne en plein air, un peu de blues à guitare et quelques histoires d’amour et quelques histoires de mort… et un peu de sexe aussi évidemment, le sexe et la mort sont tout de même ses thèmes de prédilection.

Musicalement, au lieu de redites, c’est à de la nouveauté à laquelle nous assistons et c’est là que le "Avec The Dellano Orchestra" de la pochette prend tout son sens. Depuis quelques disques, Murat avait un peu pris l’habitude de tout faire tout seul et, comme quand on traîne et qu’on s’ennuie trop longtemps dans une chambre aux fenêtres closes, que l’on vive au grand air ou pas, ça finit par sentir le renfermé, or ici les fenêtres sont grandes ouvertes, c’est le ménage de printemps en plein mois d’octobre. Les arrangements sont généreux, le son ample, comme si les chansons avaient toujours manqué de ça. Ce mélange de corde et cuivre rappelle parfois le travail de Fred Jimenez sur A bird on a poire, mais là où les compositions de Fred était résolument dans la veine de la pop 60’s, ici nous sommes dans la chanson d’aujourd’hui et dans des compositions on ne peut plus "muratiennes". Les Dellano, en parfait Crazy Horse, apporte non seulement leur jeunesse, leur fraîcheur mais aussi leur expérience et leur talent, ils savent habiller une chanson, d’un simple et doux violoncelle ou d’une cascade de cuivre, ajouter à ça les doux chœurs enivrants de Morgane Imbeau et vous obtenez des écrins parfaits pour la fameuse poésie de vous savez qui. Il faudrait aussi évoquer la voix de Jean-Louis, cette voix profonde mais pas seulement, ici il joue avec tout son spectre, passant de la voix de tête à la voix de crooner, se mêlant à lui-même parfois. Le verbe est déclamé, les mots ne sont pas mâchés mais bien distinctement dits, il ne faudrait pas perdre une miette de cette fameuse poésie.

Faire un double album aujourd’hui peut paraître totalement hors du temps, mais c’est justement en cela aussi que Murat est Murat, cette capacité à être hors du temps, pas dans le sens "c’était mieux avant ma pauvre Ginette quand on mourrait à quarante ans de cultiver la terre qui ne ment pas elle c’est pas comme les gens de la ville", non hors du temps comme libéré de toutes contraintes, de tout effet de mode, de buzz, sans se soucier de ce qui se fait ou de ce qui ne se fait pas. Répondre à l’envie, aux envies, aux moments, aux rencontres, et parfois même si ça rate, ou même si c’est moins réussi. Ce n’est pas du tout le cas ici, aucun des vingt morceaux n’est vain (arf !). Un double album de vingt morceaux, c’est riche, c’est offrir aux auditeurs la possibilité de faire son choix, je pourrai vous faire la liste des cinq chansons qui vous mettrons de bonne humeur, des cinq qui sont belles à pleurer, des cinq qui vous feront taper du pied, etc. Il y a de tout, des grandes, des petites chansons. Etre hors du temps, c’est aussi faire confiance au public, oui ami auditeur, tu n’es pas une oie tout juste bon à être gavée de chansons formatées de deux minutes trente, avec des refrains affligeants et des airs écœurants. Murat est généreux comme un auvergnat et il le prouve à chaque album, sortez de vos clichés, non, Murat ne chante pas que l’Auvergne, les paysans, l’amour, le Saint-Nectaire et les regrets sur deux accords de synthé, laissez-vous emporter par ses mots, sa voix, et sa musique pour ne plus être des voyageurs perdus.

Et pour bien vous prouver ce que j’avance, sachez que je n’y connais rien à la paysannerie, je déteste la campagne et l’amour (ou l’amour me déteste, je ne sais plus), j’habite seul à Paris pas loin de la rue des Pyrénées, et j’ai écrit cette chronique dans un TGV bleu allant à deux cent cinquante-huit kilomètres à l'heure, en mangeant un sandwich au Babybel, c’est ça être un gars de la ville : ça ne prend pas le temps de vivre mais ça prend le temps d’écouter les disques de Murat… Allez comprendre ma brave dame ! (ou mon bon monsieur, si vous êtes un homme).

 

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En savoir plus :
Le site officiel de Jean-Louis Murat
Le Myspace de Jean-Louis Murat
Le Facebook de Jean-Louis Murat
Le site officiel de The Delano Orchestra
Le Myspace de The Delano Orchestra
Le Facebook de The Delano Orchestra


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# 13 octobre 2024 : Sur un malentendu ca peut marcher

Le replay de la MAG#91, du théâtre, du cinéma, de la musique, de la littérature, c'est parti pour notre sélection de la semaine...Pensez aussi à nous suivre sur nos réseaux sociaux.

Du côté de la musique :

"The new sound" de Geordie Greep
"Tomorrow can wait" de King Crab
"Rien ne presse" de Laurent Benitah
"Coeur de cible" de Lofofora
"Chance" de Miki Yamanaka

et toujours :
Bertrand Betsch en concert à la Manufacture Chanson
"Sway" de Headcharger
"Norna" de Norna
"Endorphine" de Clemix

"Spectacle Daisy the great VS Tony Visconti" de Daisy The Great
"Jamais plus" de Faut qu'ça Guinche
"New internationale" de Kit Sebastian
"Rivière" de Mirabelle Gilis
"Lost & found" de Raul Midon
"Soft Tissue" de Tindersticks
"Probably for nothing" de Two Trains Left
Nouvelle saison du Morceau Caché ! nouvel épisode "Passerelles, Partie 3"

Au théâtre :

"L'art de ne pas dire" au Théâtre Saint Georges
"Passage en revue" à La Divine Comédie
"Le choix des âmes" au Théâtre des Gémeaux Parisiens
'La double inconstance" au Théâtre Le Lucernaire
"ADN" au Théâtre Michel

"Variations Pirandelliennes" au Théâre de Poche Montparnasse
"Dany Parmentier, gourou" au Petit Palais des Glaces
"Formica" au Théâtre des Gémeaux Parisiens
"Les liaisons dangereuses" à la Comédie des Champs Elysées
"Lettres d'excuses" au Théâtre Le Lucernaire
"The loop" au Théâtre des Béliers Parisiens
"Sur tes traces" au Théâtre de La Bastille
"L'art de ne pas dire" au Théâtre Saint-George
"Belvédère" au Théâtre Le Guichet Montparnasse
"La longue route" au Théâtre Le Funambule Montmartre
"Les marchands d'étoiles" au Théâtre Le Splendid
"Rentrée 42 Bienvenue les enfants" au Théâtre Comédie Bastille
des reprises :
"Nulle autre voix" au Lavoir Moderne Parisien
"Fini la comédie" au Théâtre Montmartre Galabru
"Les vengeurs, le flower killer" à la Divine Comédie
"Aymeric Lompret, Yolo" au Théâtre de la Renaissance
"Du bonheur de donner" au Théâtre La Scala
"Les fourberies de Scapin" au Théâtre Lepic
"Frida" à la Manufacture des Abbesses
"La parure" au Théâtre Le Guichet Montparnasse
"Looking for Jaurès" au Théâtre Essaïon
"Pourquoi Camille ?" au Théâtre Le Guichet Montparnasse
"Van Gogh, deux frères pour une vie" au Théâtre Le Guichet Montparnasse
"Glenn naissance d'un prodige" au Théâtre Montparnasse
"Majola" au Théâtre Essaïon
"Gisèle Halimi, une farouche liberté" au Théâtre La Scala
"L'odeur de la guerre" au Théâtre La Scala
"Le premier sexe" au Théâtre La Scala

Du côté de la lecture :

"Bonheur d'occasion" de Gabrielle Roy
"Histoire de la guerre en infographie" de Julien Peltier, Vincent Bernard & Laurent Touchard
"Hurlements" de Alma Katsu
"L'armée allemande 1870-1945" de Benoit Rondeau
"Le paradis des fous" de Richard Ford
et toujours :
"Les voisins" de Diane Oliver
"18 Barnfield hill" de Robert Goddard
"Histoire de l'Europe, Tome 1" de Violaine Sebillotte Cuchet
"Only lovers left alive" de Dave Wallis
"Amours manquées" de Susie Boyt
"Blackouts" de Justin Torres
"Emanciper ou contrôler" de Pascal Clerc
"Le débarquement de Provence" de Claire Miot
"Les présences imparfaites" de Youness Bousenna
"Seul restait la forêt" de Daniel Mason

Il est toujours temps d'aller au cinéma ou regarder un bon film :

nouveauté :
"Terrifier 3" de Damien Leone
"Papa est en voyage d'affaires" de Emir Kusturica

"Gondola" de Veit Helmer
"Aventurera" de Alberto Gout
"Karmapolice" de Julien Paolini
un DVD avec "Berlin boys" de David Wnendt
"Saravah" de Pierre Barouh
"La récréation de juillet" de Pablo Cotten et Joseph Rozé
"El profesor" de Marie Alché & Benjamin Naishtat
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Bonne lecture, bonne culture, et à la semaine prochaine.

           
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