Concert chorégraphique conçu par Frédérick Gravel, interprété par Francis Ducharme, Frédérick Gravel, Vincent Legault, Brianna Lombardo, Yann Perreault, Lucie Vigneault, Jamie Wright et David-Alberth Toth.
L'originalité première de "Usually Beauty Fails" dans une mise en scène et chorégraphie de Frédérick Gravel est d'aborder un spectacle de danse contemporaine comme un concert pop.
Sur scène, outre les danseurs, deux musiciens et chanteurs passent des claviers et tables de mixage aux guitare et à la voix.
Frédérick Gravel, quant à lui, passe alternativement du rôle de danseur à celui de musicien. La pièce n'est alors plus un ensemble mais une succession de pièces, avec leur ambiance, leur style musical, leur énergie propre. Frédérick Gravel prend le micro et s'adresse au public en improvisant et demande si, dans un spectacle de danse contemporaine, on peut applaudir entre les saynètes.
Donc à un art qui souvent irrite et exclut, est considéré comme élitiste, voire inesthétique ou ridicule, Frédérick Gravel déplace l'axe de réflexion. Comment donner à un public curieux, novice, pour ne pas dire profane, des clés pour découvrir un art qui depuis plus d'une cinquantaine d'années travaille à se construire contre la norme, alors même que la norme évolue avec l'époque ?
Il propose alors un spectacle pop, dans ses aspects faciles, attirants, jeunes, rock, que le spectateur peut aussi aborder comme une vulgarisation, tout en affirmant que le paradigme de la danse contemporaine demeure la transgression.
Sur des rythmes qui vont aller piocher dans le rock, la pop ou la techno, les danseurs se livrent dans une chorégraphie tonique. Les musiciens s'inspirent tour à tour du Lou Reed de "Transformer", du Brian Eno ambient, de la techno de Detroit ou encore de Tony Benett, offrant ainsi aux danseurs une large palette sonore pour des chorégraphies qui privilégient la frontalité.
Fréquemment, ceux-ci se déplacent sur un axe face au public. D'ailleurs les lumières, composées de 36 spots en hauteur face à la salle et de 36 autres à ras du sol toujours face au public mais derrière les musiciens, renforcent cette impression de quasi contact avec la salle.
La danse, très physique, heurtée, composée d'affrontements et de chocs plus que de caresses joue de cette idée de la transgression par la violence. Il y a, bien entendu, nudité et contacts physiques qui pourraient dans ce cadre presque être vus comme de la "transgression classique" dans le monde de la dans contemporaine.
Alors certes, le public réagit, applaudit, mais l'exercice trouve ses limites en raison même du concept. Pensé comme une compilation musicale dansée, l'énergie se délite.
L'absence de cohérence dans les styles musicaux qui se succèdent emmène les danseurs sur des chemins trop opposés d'un morceau à l'autre pour que se dégage une essence de la pièce dans son ensemble. Les danseurs, dans les mouvement de groupe ou dans les duos, montrent pourtant une belle intensité animale quelle que soit la saynète.
Au final, on remarque que, dans les chorégraphies de Frédérick Gravel, revient souvent un mouvement de recul frontal face au public, comme si ses danseurs étaient tirés par les épaules vers l'arrière ou comme retenus par un élastique. La tentation n'est pas loin d'y voir un symbole : la rencontre avec le public s'établirait-elle plus sur le plan musical qu'au niveau chorégraphique malgré les qualités indéniables des danseurs ? |