"He’s a man with lust for life, he lives for now at the edge of the knife"
Thurston Moore abandonne la langueur déchirante de Trees Outside The Academy (2007) et de Demolished Thoughts (2011) et retourne à un son plus proche de Psychic Hearts (1995). Avec The Best Day (label Matador), quatrième opus de sa carrière en solitaire, l’ex-chanteur des Sonic Youth a réussi à trouver une stabilité dans la dissonance.
Les arrangements de violon ne sont plus présents, les arpèges eux aussi ont disparu. La musique est redevenue rude dans un monde où la guitare électrique regagne son trône de souveraine. Oui, Moore retourne à ses origines. Mais il le fait avec maturité, une maturité qui se laisse entrevoir dans son refus des extrêmes. Il est parvenu à mélanger dans la juste mesure bruit et harmonie. Il marche sur la corde raide sans jamais tomber, sans jamais trébucher.
Il est de retour, il est sous son meilleur jour, et il le laisse clair dès la première chanson, "Speak to the wild" : "The king has come to join the band, […], don’t let the dark let you lost" ("Le roi est venu rejoindre le groupe, […], ne laisse pas que l’obscurité te perde"). La succession de monosyllabes est crue et engageante. Il n’y va pas par quatre chemins lorsqu’il déploie son contondant arsenal. Le son progresse de sa main assurée : les riffs sont répétitifs et le rythme est marqué avec rigueur. Pendant que la guitare électrique avance de manière ininterrompue, sa voix nous mène vers des univers nébuleux. Il s’abandonne, bien sûr, à des parties instrumentales d’une grande intensité. Cependant, il ne néglige pas les paroles, auxquelles il revient souvent au dernier instant pour conclure la chanson.
Seul un morceau, "Grace Lake", est entièrement instrumental. Tel un chimiste consumé, il mélange avec maîtrise les doses. Il introduit des parties plus légères pour enrichir son album avec de nouvelles textures. Dans "Tape" ou dans "Vocabularies", l’ambiance est plus doucereuse bien qu’un son strident à l’arrière-plan refuse de nous quitter. Le bruit est toujours présent, mais sous différentes formes. Et c’est de ces nuances là que naît la puissance de sa musique.
Les huit morceaux composent un édifice solide où aucune fissure n’est visible. Tous les éléments nous renvoient à ce son si imperturbable et si personnel. Thurston Moore démontre qu’il est encore capable de faire de la musique avec du caractère, du bon "noise". Il crée un équilibre dans le bruit, d’où il tire sa force. Le résultat ? Peut-être le meilleur album de sa carrière en solitaire.
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