Ce soir c’est Morrissey qui joue au Grand Rex. Les billets sont épuisés et l’enthousiasme des fans se laisse sentir dès le début de l’après-midi. Nous connaissons bien l’amour, la dévotion, l’adoration qu’ils portent à l’ex-chanteur des Smiths. Ils attendent patiemment dès quatre heures, dans l’espoir d’obtenir un autographe, ou de pouvoir adresser quelques mots à leur idole. Malheureusement, il y a une contrepartie à ceci. Les agents de sécurité paraissent avoir été avertis de la ferveur des Mozophiles et ils sont constamment sur les nerfs, de mauvaise humeur, et parfois agressifs.
Les portes s'ouvrent à sept heures et la salle commence à se remplir progressivement. Avant que tous les sièges soient occupés, des vidéos sont projetées. Le choix hétéroclite semble avoir été fait par Moz lui-même. Ses amours musicaux y sont présents - "Looking For A Kiss" des New York Dolls, "Yesterday Man" de Chris Andrew, “Emmenez-moi” de Charles Aznavour - ainsi que son engagement politique - la mort de Margaret Thatcher avec la chanson "The Wicked Witch Is Dead" du film Le Magicien d’Oz. Mais, quand le rideau tombe, tout l’auditoire se lève et se rue vers la scène. Comment concevoir un concert de Morrissey dans la distance ?
Les musiciens arrivent et avec eux la fureur se déchaîne. L’explosion de frénésie se justifie : la première chanson est "The Queen is Dead". Une reine Elisabeth nous fait un doigt d’honneur à l’arrière-plan. Le chanteur ne tarde pas à s’approcher du public et à leur tendre la main qu’ils retiennent avidement. Le setlist qui nous attend est varié : il se centre sur le dernier album tout en laissant une place à quelques chansons des Smiths et à des anciens morceaux de sa carrière solo.
Dans les premières chansons, il ne pouvait pas manquer "I’m Throwing My Arms Around Paris". C’était prévisible, l’occasion l'obligeait. Puis, commence une partie avec les chansons de World Peace Is None Of Your Business. Nous voilà emmenés en Espagne avec la guitare flamenco et les histoires de toreros ("The bullfighter dies") dont les morts ne sont pleurées par personne. Morrissey profite des espaces entre les chansons pour faire preuve de cette raillerie qui lui est si propre. Avant "Earth Is The Loneliest Planet", il affirme avoir beaucoup voyagé et le seul commentaire qu’il peut en tirer est un "and well… " blasé suivi d’un soupir, comme quelqu’un qui est revenu de tout. Il confesse que la seule réussite de sa vie est de partager sa date d’anniversaire avec Charles Aznavour.
Quant aux musiciens, ils sont de véritables professionnels : aucune erreur, le son est clair et ferme, une qualité presque de studio. Les vidéos de maltraitance aux animaux pendant "Meat is murder" ont sûrement converti les indécis au végétarianisme. Quand les accords de piano d’"Asleep" commencent, une énorme clameur s’élève de l’audience. La douce voix mélancolique de Morrissey fait couler des larmes chez plus d’un spectateur.
En guise de conclusion, les musiciens, qui ont revêtu des t-shirts où on peut lire "fuck Harvest", nous offrent un encore avec "Suedehead" et "Everyday Is Like Sunday". Les tentatives de sauter sur scène se multiplient mais personne ne réussit à faire plus de deux pas qu’il est déjà de retour dans la fosse. Bref, un concert sans grandes surprises, classique, à la hauteur de nos attentes.
De nombreux fans attendent les musiciens à la sortie pour exprimer leur gratitude. Quand il quitte l’endroit, ils applaudissent Morrissey qui esquisse, satisfait, un sourire ironique.
SETLIST :
The Queen is Dead (The Smiths)
Speedway
Kiss Me a Lot
I’m Throwing My Arms Around Paris
World Peace Is None Of Your Business
Neal Cassady Drops Dead
Istanbul
One Of Our Own
Trouble Loves Me
The Bullfighter Dies
Earth Is The Loneliest Planet
Yes, I Am Blind
Kick The Bride Down The Aisle
Meat Is Murder (The Smiths)
Staircase At The University
I’m Not A Man
Asleep (The Smiths)
Suedehead
Everyday Is Like Sunday
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