Spectacle conçu et mis en scène par Romeo Castellucci, avec Rascia Darwish, Gloria Dorliguzzo, Luca Nava, Stefano Questorio, Sergio Scarlatella, Emmanuelle Ohl, Patricia Schillaci, Claude Penseyres, Pierre Imhof, Jules Hox et Hakan.
Les spectacles de Roméo Castellucci, pour lesquels il est seul maître, assurant la conception, la mise en scène et la scénographie et officie davantage en plasticien qu'en dramaturge, divisent toujours de manière radicale.
Le dernier en date, "Go down, Moses" placé sous la figure mythique de Moïse, prophète majeur des religions bibliques, enfant "élu" rescapé du génocide initié par le pharaon, libérateur du peuple hébreu et scripteur de la table des Lois, n'y déroge pas d'autant que son déconcertant hermétisme conceptuel laissera sans doute sur le bas côté les spectateurs peu réceptifs à l'irrationnalité.
En effet, sa théorie de la "forme juste", qui évoque celle de la "forme pure" de l'avant-gardiste polonais Witkiewicz, érigée en unique moyen de toucher le coeur et l'esprit des regardants, car, formé aux Beaux-Arts, ces pièces sont essentiellement composées de manière picturale, appliquée à son unique sujet qu'est celui de l'irréprésentabilité, et donc de l'icône, se traduit par un discours esthétique et une posture herméneutique dont la compréhension, à travers leur concrétisation par une combinaison d'images, n'est pas intuitive.
Dans cet opus ordonné autour du personnage de Moïse, celui-ci n'est pas représenté mais présenté à travers la figure de l(s)a mère, une femme qui se vide de son sang dans des toilettes publiques après avoir déposé dans un conteneur à déchets son nouveau né vagissant enfermé dans un sac plastique et une femme délirante qui explique le néonaticide par la nécessité de sauver l'enfant.
Par ailleurs, cette figure de mère est associée à celle de la mère néandertalienne qui enterre son nouveau-né mort avant de copuler mue par le comportement inné de reproduction de l'espèce et inscrit le signal de détresse SOS sur la paroi de la grotte dans laquelle se retrouve projetée la première par la voie du tunnel d'une unité d'IRM.
Avec son récurrent quatrième mur en tulle noir, l'habillage sonore invasif poussé parfois au seuil de la tolérance auditive impliquant le port de bouchons d'oreille, élaboré par Scott Gibbons, et la fusion entre art et mystique, le spectacle, à nul autre pareil, est bien estampillé Castellucci
Une image résiste à l'analyse, celle du cylindre tournant à grande vitesse entrainant une, puis plusieurs perruques. De quoi alimenter la glose savante. |