Réalisé par Paolo Virzi. Italie/France. Drame. 1h49 (Sortie le 19 novembre 2014). Avec Valeria Bruni, Fabrizio Bentivoglio, Valeria Golino, Fabrizio Gifuni, Matilde Gioli, Guglielmo Pinelli, Giovanni Anzaldo et Luigi Lo Cascio.
Voilà un film qui avance masqué... Comédie de mœurs transalpines ? Thriller ? Suspense ?
Officiellement tiré d'un roman policier américain, "Capital Humain" de Stephen Amidon, "Les Opportunistes" sonne en fait le réveil définitif du cinéma politique italien.
Coupe transversale de la société italienne en fin de règne berlusconien, "Les Opportunistes" est en effet un récit cruel, n'épargnant nul étage de ce qu'il reste des classes sociales italiennes.
Au plus bas, l'extra qui sert les nantis lors d'une grande réception occupe le plus mauvais rôle : celui du cycliste victime du 4 x 4 somptueux des Bernaschi, la famille de milliardaires opportunément composée de Valeria Bruni Tedeschi, dont on connaît les origines, et de Fabrizio Gifuni, fils d'un ancien ministre démocrate chrétien...
Entre ce bas balancé dans le décor et ce haut qui vit dans une résidence sublime, Paolo Virzi décrit, dans un récit façon "Rashomon" qui filme la même histoire selon trois points de vue, une société italienne où la morale n'a plus cours. Une société où chacun n'a plus que des rêves sonnants et trébuchants et pour rêve le désir de rejoindre, quoi qu'il en coûte, la sphère des dieux du moment, celle où tout n'est que luxe, beauté et fric...
Ainsi, au fil d'un récit moins simple qu'il n'y paraît, vont se tenir par la barbichette de l'amoralité les grands et les petits bourgeois, les marginaux comme les reliquats de l'ère pré-berlusconienne. Car, ici, on est loin de ces temps préhistoriques où il y avait un PC et une DC, des intellectuels utopiques et pas des profiteurs de la postmodernité qui pensent que le théâtre est mort...
Dans ce jeu de massacre qui tient de la "Comédie humaine", il y a pléthore de personnages dont pas un ne rachète l'autre. On y trouve même, aux côtés du milliardaire Bernaschi, un avocat français mielleux et au sourire carnassier joué avec gourmandise par Vincent Nemeth, qui montre les liens tissés par le capitalisme italien avec la finance internationale.
Les Italiens ont plébiscité cette somme où ils ont reconnu tous les personnages. Ce sera plus difficile pour les Français, mais ils pourront prendre de la graine italienne de ce film, et espérer qu'un jour prochain, soient décrits avec une égale férocité les temps décadents sarkozo-hollandiens.
"Les Opportunistes" de Paolo Virzi est servi par des acteurs épatants : Fabrizo Bentivoglio, parfait en veule admirateur des très riches, Valeria Bruni Tedeschi, de plus en plus à son aise dans le cinéma italien.
Il peut se voir comme une version moderne, moins idéologique et moins systématique, de certains grands films d'Elio Petri ou de Francesco Rosi. Après des bons films comme "Catherine va en ville", "La Prima Cosa Bella" et "Chaque jour que Dieu fait", Paolo Virzi franchit un nouveau palier.
Bonne nouvelle pour un cinéma italien dont on découvre, de semaine en semaine, qu'il est en vrai renouveau.
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