Un grand nom que j’ai découvert en live…
Quand on parle d’Afrobeat, Fela Kuti se tient fièrement sur le bout des lèvres. Et pourtant, ce dernier aurait dit que "sans Tony Allen, l’afrobeat n’aurait jamais existé". A l’heure de Martin Luther King, des revendications afro-américaines qui enflamment les Etats-Unis, les deux Nigérians posent ensemble les bases du sacro-saint afrobeat, musique enivrante, porteuse de messages forts, sur fond de groove cuivré. Mais la politique sépare très vite les deux hommes. Tony Allen suivra alors son propre chemin…
J’avoue ne pas avoir suivi la carrière de ce grand batteur ! Il s’est véritablement révélé à moi, lorsque, fervente admiratrice de la musique de Damon Albarn, j’ai écouté Rocket Juice & the Moon. Cet album est le fruit heureux de leur trio avec Flea, un savoureux mélange Pop-Rock Africaine, cher à l’ex-chanteur de Blur. J’ai alors renoué avec les fondations de l’Afrobeat.
Tony Allen, du haut de ces grandes années musicales, est arrivé sur la scène du Grand Mix, très applaudi, dans son habit typique, couvre-chef et… lunettes de soleil ! Derrière sa batterie, il est le noyau dur des nombreux musiciens qui l’entourent : cuivres et bois, claviers, mais aussi tables de mixage, mélodica, percussions, sans oublier – et comme si cela n’était pas suffisant – une autre batterie pour ajouter une complexité au rythme donné par le chef d’orchestre.
La musique de Tony Allen est déroutante et le premier morceau qui ouvre le set en est d’ailleurs annonciateur. Uniquement musical, il mélange à la fois Afrobeat traditionnel et déconcertant jazz fusion – une introduction porteuse de message, j’imagine. Il explicitera dans son quasi unique interlude de la soirée : "Ne soyez donc pas nostalgique messieurs, dames du passé. Ouvrez vos oreilles et soyez à l’écoute ! Je fais l’Afrobeat qui me plaît, jusqu’à temps que je change encore d’avis ! Mais ne vous inquiétez pas, c’est de l’Afrobeat qui reste dans le même mouvement".
J’avoue que je n’ai pas été déçue d’entendre l’ivresse de la musique traditionnelle et d’en explorer ses originalités dans les morceaux présentés. Les nostalgiques devaient être ravis entre le groove de la basse, le jeu de guitare grattée à la Shaft, les cuivres apportant cette chaleur si caractéristique de l’Afrobeat. Mais Tony Allen a su avancer avec son temps, mêlant d’autres genres avec ces soli démentiels de saxophone – jazz fusion, ou encore ces mixages de sons et de voix – electro, complexifiant les rythmes à en déconcerter plus d’un danseur, cherchant à apporter des sons différents comme le mélodica et d’autres percussions. Tony Allen a, avec le temps, perdu sa voix. Mais cela n’enlève pas sa présence forte, car chacun de ses mots posés étaient, comme ses coups de cymbales et de caisses, résonnants et justes. C’est souvent en compagnie de sa chanteuse Africaine, faisant frissonnée les oreilles, qu’il chante l’ensemble de ces morceaux.
Tony Allen n’a pas manqué bien sûr de jouer le morceau qu’il avait réalisé avec son ami Damon Albarn, "Go Back". Maintenant, je comprends mieux pourquoi ils se sont rencontrés. La recherche musicale de Tony Allen est sans cesse mouvante, moderne, originale et riche. Je garde de ce concert une merveilleuse rencontre, heureuse d’avoir pu voir et entendre cette mémoire musicale vivante !
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