Le choix du morceau d'ouverture d'un album paraît essentiel. Non pas que tout amateur averti se contente de sa seule écoute mais parce qu'il donne souvent la tonalité musicale de l'album.
En l'espèce, avec ces Fugues d'Innocent X, un avertissement liminaire s'impose : allergique au chant récitatif, passez le premier morceau au rythme anorexique, "Aux marches du palais", reprise d'une chanson populaire, qui, malgré la douce voix de France Cartigny, déprimerait un décérébré sous prozac.
L'album contient néanmoins 3 autres morceaux du même esprit dont "Comédie" sur lequel Anne-James Chaton déclame, à la manière de Kat Onoma, la litanie du quotidien de la caissière de supérette scandé par le prix des articles jusqu'à l'emballement, et "Valade Martial" dans lequel une déclaration d'amour se glisse parmi l'énumération des identifications administratives qui déshumanise l'individu sociétal contemporain
Cela étant, ce sont incontestablement les morceaux instrumentaux qui retiendront notre attention car ils attestent d'une patte qui induit la réminiscence avec Slint, la référence ultime du post-rock (cf. la chronique de l'album Spiderland de Slint).
C'est avec "Insomnie", qui s'ouvre sur des bidouillages électro et des croassements de ptérodactyles, que, point de doute, on entre dans le post-rock instrumental dont les boucles sonores nous transporte dans ces univers chers à Labradford, Mogwaï et quelques autres d'outre-Atlantique avec deux guitares (Pierre Fruchard et Cédric Leboeuf) et une batterie (Etienne Bonhomme).
Ces univers où les nappes sonores ondulent à la surface des eaux du royaume des morts sans s'y arrêter et nous entraîne vers le "Nord", le morceau le plus émouvant sans doute par sa composition exemplaire qui démontre ce qu'on peut faire avec deux guitares aux riffs acérés et une rythmique impeccable.
Sur "Praxis Du Vide", au parasite électro, succède la batterie impérieuse, têtue et entêtante, qui rallie les guitares insolentes et "Outremonde" qui démarre sur un rock puissant et noisy pour tendre vers l'apaisement du break minimaliste et s'épanouir à nouveau de manière mogwaienne.
L'album se clôt sur une "Fugue" apaisée de facture presque classique qui ne peut que donner envie de réécouter l'album.
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