Réalisé par Sophie Letourneur. France. Comédie dramatique. 1h28 (Sortie le 17 décembre 2014). Avec Lolita Chammah, Benjamin Biolay, Félix Moati, Pascal Joyeux, Benasser Kandoussi, Jean-François Ducrot, Dorothée Lécuyer et Frédéric Comaille.
Depuis "La Vie au Ranch", en passant par "Le Marin masqué" et "Les Coquillettes", Sophie Letourneur a toujours été bien accueillie sur Froggy's Delight.
Une fois encore, mais peut-être avec un peu plus de réserves qu'à l'accoutumée, son dernier film, "Gaby Baby Doll" fera l'objet d'une attention particulière.
Les aventures microscopiques de Gaby, qui valent évidemment bien mieux que celles de Mauricette qui n'attend plus qu'une allumette, vont donc occuper presque 90 minutes des plus téméraires spectateurs.
Ceux qui ont survécu aux "Coquillettes" - qui collaient quand même un peu au fond de la casserole - et qui rêvaient de rencontrer un "nouveau marin masqué", seront un petit peu déçus par ce moderne conte de fée. Car, même s'ils ne sont pas plus malins que Gaby, ils comprendront plus vite qu'elle que ce barbu à gros pull Jacquart, personnifié avec toute la mollesse dont il est capable par Benji Biolay, est "Le" prince charmant.
Seule, abandonnée par tous ses copains bobos parisiens en pleine nature hostile bourguignonne, Gaby a la pétoche... Elle aussi, comme dans la chanson, "peut pas dormir la nuit". Alors, elle cherche la solution à ses peurs nocturnes et BB finit par s'imposer comme la plus nounours, la plus balbutiante, la plus surprenante.
On ne révèlera pas comment tout ça s'achèvera, mais on pourra confirmer qu'il s'agit d'un happy end à particules tiré par les cheveux gras du chanteur le plus post-gainsbourien du moment. Depuis "Didine", le chef d'oeuvre de Vincent Dietschy, Benjamin Biolay traîne souvent sur les plateaux cinémas. Qu'y fait-il ? En fait-il plus que Dutronc Jacques en son temps ?
En tout cas, dans "Gaby Baby Doll" de Sophie Letourneur, il essaie avec bonne volonté de jouer le rôle que la malicieuse lui a alloué. Alors, il n'hésite pas à proférer des répliques inoublialbes : ainsi, entrant dans l'épicerie-boulangerie du village, il demande à la vendeuse si "elle a des pépitos". La réponse étant hélas négative, il accepte avec élégance de prendre, en remplacement, un paquet de palmitos.
C'est à ce genre d'épreuves initiatiques que l'on reconnaît les grands films modernes. Avec en cadeau généreux, la répétition d'une autre figure de style que Sophie Letourneur pourrait breveter : le pipi accroupi.
Lolita Chammah, grâce à BB, découvre la nature verte et répétitive de la Bourgogne profonde et devant ce bon air qui pénètre ses poumons urbains et noircis par la cigarette, elle est soudain pris d'envies pressantes. Combien de fois fera-t-elle ainsi son pissou dans la campagne ?
On encouragera "Gaby Baby Doll" à concourir au César de la meilleure "pisseuse" et l'on pariera que Lolita Chammah raflera le trophée haut la main, pour ne pas dire autre chose de plus inconvenant ou de plus trivial.
Les contempteurs du cinéma français en seront pour leurs frais : "Gaby Baby Doll" de Sophie Letourneur est la preuve de la vitalité inouïe du seul cinéma mondial qui peut attirer des spectateurs avec un chanteur mal réveillé, la fille d'Isabelle Huppert et un bon gros toutou encore plus cabot que le duo réuni.
Le cinéma de Sophie Letourneur a un charme certain et un toupet hors du commun. Transformer une histoire qui tiendrait sur un brin d'herbe en une épopée d'une nunucherie époustouflante dans laquelle les protagonistes prononcent un mot à la minute n'est pas à la portée de la première trentenaire cinéaste venue.
Aidée par la belle photo de Jeanne Lapoirie et la musique de Yongjin Jeon | rien de moins que le compositeur de Hong Sang-soo ! - , la grande Sophie ajoute une nouvelle pierre fantaisiste à une œuvre qui n'est pas près de ressembler à une œuvre connue.
En sortant de "Gaby Baby Doll" de Sophie Letourneur, le spectateur reviendra d'un voyage dans une autre dimension, celle où l'on n'a pas besoin d'un tétraplégique mondain affublé d'un imitateur francophone d'Eddie Murphy pour réussir une grande comédie déjantée.
Pas non plus besoin d'effets spéciaux ni de Dany Boon. Avec rien, et pas même un scénario qui se tient, Sophie Letourneur fait du cinéma. Enfin, peut-être. |