Seul en scène écrit et interprété par Océanerosemarie dans une mise en scène de Mikael Chirinian.
Contrairement à sa pose sur l'affiche à l'esthétique sulpicienne sur laquelle elle ressemble à une pensionnaire du Couvent des Oiseaux touchée par la grâce d'une apparition mariale, Océanerosemarie est une jeune fille de bonne famille à qui il ne faut pas donner le bon Dieu sans confession.
Car cette auteure, chanteuse, chroniqueuse et humoriste a la tête près du bonnet et manie le lance-flammes avec une dextérité redoutable pour décaper les clichés et les attitudes sociétales en puisant dans les communautarismes qui composent la communauté contemporaine.
Ainsi, avec son premier seule en scène en forme de coming out explicitement intitulé "La lesbienne invisible", elle visait le dogme de l'hétérosexualité et proposait un savoureux focus sur un créneau identitaire, celui de la minorité invisible des minorités sexuelles que constitue le lesbianisme.
Dans "Chatons violents", si elle aborde les bisbilles conjugales du couple lesbien qui, notamment en ce qui concerne les tâches ménagères et la gestion du quotidien, ne déroge pas au clivage existant dans le couple hétérosexuel, et les turbulences de ses chatons, Craquinette, la persane qui se prend pour une cat-model avec des poses façon caricature "Sandrine Tropforte" de José Garcia, et Froustinette, un immense maine coon au caractère très "affirmé" à la Garfield, elle change de registre et de coeur de cible.
Car les vrais chatons violents ne sont pas ses chers félins mais les enfants de la génération Mitterrand nés dans le milieu aisé de "la gauche caviar".
Faisant office de sociologue sauvage, dans les deux sens du terme, et ethnologue de l'intérieur puisqu'elle reconnaît en faire partie, elle se penche sur le sociostyle des "BBB", acronyme de son cru désignant la catégorie des "bons blancs bobos", nouvelle déclinaison de la bobo attitude, dont elle épingle les archétypes certes savoureux mais trace un édifiant portrait de groupe.
Tout commence avec la gentrification des quartiers populaires péri-urbains, notamment des villes franciliennes et dont Montreuil est l'épicentre. C'est là, entre haies de bambou et murs rouges, plutôt rouge Hermès que rouge PCF, que vivent les tribus de BBB qui, sous couvert de mixité culturelle et sociale et de tolérance compassionnelle, pratique un racisme de gauche et le repli communautaire.
Cinglante et rondement menée sous la direction de Mikael Chirinian qui privilégie le rythme soutenu, la partition est efficace : écriture travaillée, sans un poil de gras, tout est bon, rien à jeter, format maîtrisé qui tient la distance sans ventre mou et humour sans complaisance racoleuse.
A l'aise sur scène, conscience féministe affirmée et conscience de classe laminée, Océanerosemarie frappe fort, porte l'estocade toujours avec le sourire et dispense une excellente prestation doublée d'un divertissement assuré. |