Après une longue tournée de plus d'un an, après un beau succès pour le dernier album Le quart d'heure des ahuris et un joli double live pour conclure, Eiffel s'est mis en vacances.
Eiffel, c'est le groupe français qui a su s'émanciper de ses pairs tel Noir Désir et d'injecter dans le rock francophone (comprendre "qui chante en français") un nouveau souffle venu d'outre Atlantique, Pixies en tête (influences revendiquée plutôt deux fois qu'une par Romain).
Pas de split donc pour ce groupe plus soudé qu'il n'en a l'air mais un peu d'oxygène pour chacun de ses membres papillonnants de ci de là sur divers projets solo ou au sein d'autres groupes (Luke pour le bassiste par exemple).
Avec L'éternité de l'instant, Romain Humeau, leader incontesté et compositeur officiel du groupe, a choisi l'option solo. Un projet parallèle à Eiffel donc dans lequel Romain joue quasiment le même rôle mais en assumant d'autant plus ses chansons qu'il nous les offre sous son propre nom.
Même force, même détermination, même façon de chanter. Dès le départ nous sommes en terres connues. Pourtant Romain prend des libertés et va plus loin dans les arrangements et la composition. Cordes , électro, hip hop, tout y passe sur ce disque sans compter les petits clins d'oeils ça et là, comme ce petit gimmick de guitare sur "Prend ma main" pas très loin du "Man who sold the world" de Bowie ou encore l'intro de "S'enflammer" que tout fan de Pixies reconnaitra immédiatement.
Si "Prend ma main" ou "Beauté du diable" pourraient sortir tout droit du répertoire de Eiffel, "Sans faire exprès" ou "Toi" sont plus personnelles. Des chansons qui parlent d'amour et que l'on imagine mal dans le répertoire du groupe. "Toi" est une sorte de ballade intimiste chantée d'une voix pleine d'émotion dont Romain a le secret. Le secret de cette voix changeante et qui fait mouche à chaque fois.
Même "Je m'en irai toujours" tape dans le mille. Exercice de style pourtant difficile autour d'une sorte de hip hop déchaîné alourdi de guitares mêlées à de l'électro à la façon des Beastie Boys. Rappelant un peu "Hype" dans le style, ce titre est d'une force incroyable et ce n'est pas le solo de saxo déchaîné à la fin qui nous empêchera de revenir l'écouter souvent.
"S'enflammer" est aussi un bel exemple des qualités de chant et d'écriture de Romain Humeau, passant tour à tour d'une voix calme et posée pour partir en cris parfaitement contrôlés sur le refrain, imparable !
Romain se permet aussi quelques fantaisies sur l'atypique "L'éternité de l'instant" qui tout au long de ses 7 minutes déroule un fil sur lequel sont accrochées de multiples ambiances (bruits, cordes, chant en sourdine) pour finir sur une superbe mélodie faite de cordes et d'un chant quasi déclamatoire.
Entouré de quelques uns de ses amis, Romain a, comme à son habitude, réalisé le disque seul de l'écriture au mixage et c'est avec plaisir que nous retrouverons Emiliano Turi (batteur de Eiffel) sur la plupart des morceaux, mais également Philipe Uminski, Joe Doherty ou Jean Paul Roy.
Hors de la famille Eiffel , le projet solo de Romain Humeau n'en reste pas moins une affaire d'hommes et d'amitié et c'est ce qui en fait aussi la force.
Un disque qui peut apparaître un peu hétérogène de prime abord mais qui, au final, prouve que Romain est réellement un surdoué de la scène musicale française.
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