Après un projet aussi titanesque que courageux, Björk avait réussi avec Biophila à monopoliser l'industrie du "cool" et ceux sur tous les fronts : applications pour Smartphone, exposition au MOMA, concerts interactifs, autant de fronts sur lesquels l'artiste avait su ménager un équilibre entre la musique pop et les expérimentations avant-gardistes pour lesquelles elle est célébrée.
Cette héroïne moderne, aux développements conscients, parfois mystiques et toujours courageux, a, à de nombreuses reprises, su surprendre son public en se réinventant de façon inlassable. C’est bien simple, Björk même aux yeux de ceux qu’elle laisse de marbre, incarne le mouvement, le renouveau, l’étrange et le surprenant. Une entité qui, par bien des aspects, surpasse le simple humain.
Et pourtant avec Vulnicura, l’artiste islandaise livre sans aucun doute son album le plus personnel. Oui, celui-ci traite de sa rupture d’avec Matthew Barney et dans un sens, empreinte l’esprit retors et analytique d’un ethnologue et documente toutes les étapes inhérentes à une rupture. Pour autant, l’album traite bien d’un drame personnel, des états d’âmes de l’artiste et de sa façon de surmonter les épreuves imposées à son cœur blessé.
On parle donc ici d'un pathos qui frappe fort, tout en se divisant en trois étapes lors desquelles l'album s’épanche sur les différents points clefs de la séparation. Depuis les prémices de l'éloignement, en passant par la reconstruction et sans oublier l'inévitable rupture en elle-même.
Techniquement, l'album charmera les fans de l'artiste qui reconnaitront des développements proches des albums Homogenic et Vespertine en grande partie grâce à l'omni présence des instruments à cordes. L'artiste affirmant elle-même être devenue une mordue de violon, s'est en effet acharnée après sa rupture, à écrire et composer partition sur partition pour violons.
Mais, Vulnicura n'est en aucun cas un rétropédalage de la part de Björk et s'exprime plutôt comme la somme de toutes ses expériences. Depuis les doublages vocaux aventureux présents sur "Atom Dance" qui rappelleront l'album Vokuro, à la présence discrète mais indéniable de l'électronique.
L'opus, malgré son sujet, reste à bien des égards un jubilé. Une cour de récréation dans laquelle les touches d'Arca et de The Haxxan Coak ("The Family") ne transgressent en aucun cas l'identité musicale de Björk. De son côté, l'artiste réaffirme son style vocal unique sur des titres que l'on imagine inapte pour tout autre artiste ("Notget") et réussit à sublimer la plupart des productions. Voix glacée et propos brisés réussissent à évoquer souffrance et passion tout à la fois. Alors que sa légendaire souplesse vocale convainc une fois de plus, Björk et son Vulnicura signe un opus vibrant, voire proprement transcendant.
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